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40 000 livres au temps où il avait son entreprise de mulets pour l’armée d’Italie.

« — Je serais prêt à quitter le métier que je fais, si je pouvais espérer que le Roi me fît grâce. »

Loin d’entrer dans les idées du jeune contrebandier, on mettait sur pied des troupes nouvelles pour le combattre. La Morlière et ses argoulets continuaient d’avoir pour mission de veiller sur la frontière du Dauphiné. Les fameux chasseurs de Fischer leur étaient adjoints, avec ordre de s’attacher à la poursuite de Mandrin lors de sa prochaine incursion.

On s’attendait à voir celui-ci se jeter en Alsace ; mais subitement, par le col de Saint-Cergues, il pénétra en Franche-Comté, dans la nuit du 14 au 15 décembre, en contournant les Rousses, où les brigades de gâpians, postées sur la frontière, semblaient dormir sous la neige. Le 15 décembre au soir, il couchait avec ses hommes à trois lieues de Besançon.

Une fois de plus, par la rapidité et par la hardiesse de ses mouvemens, le jeune contrebandier avait dérouté ses adversaires. Le duc de Randan, lieutenant général en Franche-Comté, en écrit à son collègue de Bourgogne :

« Les contrebandiers n’ont point passé aux Rousses ; mais leur entreprise n’en est pas moins surprenante. Ils sont arrivés jusqu’aux portes de Besançon, sans que le directeur des Fermes ait eu un seul avis. En un mot, ils ont couché hier à trois lieues de cette ville, et je l’ai su par hasard. »

Tout aussitôt Fischer, averti par exprès, partait de Cuiseaux avec ses chasseurs, à la poursuite des Mandrins, tandis qu’un vaillant officier basque, le capitaine Iturbi de Larre, quittait la frontière de Savoie, à la tête d’un fort détachement de volontaires de Flandre, c’est-à-dire d’argoulets, pour prendre les contrebandiers à revers. Cette double poursuite, dont le but est d’arriver à saisir Mandrin comme dans un étau, va rendre cette nouvelle campagne particulièrement dramatique. Le voici donc qui traverse les provinces et s’arrête dans les villes pour y faire son commerce de contrebande, tout en ayant à ses trousses des troupes d’élite, supérieures en nombre aux forces dont il dispose lui-même, et courant, bride abattue, pour le rejoindre et l’exterminer.

Le 17 décembre, sur les cinq heures du soir, les Mandrins arrivent à Seurre en Bourgogne. Leur chef fait publier une