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réservistes et de leurs chevaux de réquisition. Si l’ordre de mobilisation français est donné le 2 vers dix heures du matin, on ne saurait espérer que les réservistes aient rejoint leur corps avant le 3 au plus tôt, et soient en mesure de partir avant la fin de cette même journée. La concentration de nos armées devrait se faire alors à l’Ouest de la grande ligne formée par nos camps retranchés et nos forts d’arrêt, et la bataille défensive que nous devrions subir se livrerait ainsi dans des conditions bien peu satisfaisantes. Ce sont des hypothèses, dira-t-on. Oui ; mais des hypothèses qui ont été examinées et discutées en France, en Allemagne et dans d’autres pays encore. Les officiers allemands se vantent ouvertement de surprendre dans leur lit les garnisons de Pont-à-Mousson et de Lunéville, ce qui indique bien leur état d’esprit. La répartition des forces allemandes, le tracé des voies ferrées, l’emplacement des quais de débarquement si près de la frontière qu’ils ne peuvent être protégés que par la marche en avant de la couverture, tout dénote les intentions de nos adversaires éventuels. Enfin, ayons toujours présent à la mémoire ce mot que Bismarck prononçait en 1875, et que rappelait tout récemment encore un journal anglais, the Navy League : Le premier avis que les puissances recevront de nos intentions sera le tonnerre des canons prussiens en Champagne. Nous sommes prévenus ; à nous de parer au danger que nous ne devons pas traiter d’imaginaire.

On a prétendu que le plan esquissé plus haut était irréalisable, et apporté à l’appui de cette opinion les argumens suivans. Le ministre de la Guerre, à la tribune du Sénat, a dit : « Je ne crois pas à ces invasions d’armées sorties de je ne sais où, en une minute et arrivant pour ainsi dire sans coup férir sous les murs de nos places fortes. » On voit pourtant par les explications données plus haut d’où viennent ces armées ; on sait fort bien d’où elles sortiront ; on connaît même leur effectif probable. Le transport de ces masses serait-il impossible ? Un train peut transporter facilement les premiers échelons de deux bataillons ou de deux batteries, ou au moins un escadron et demi ; nous sommes donc très large dans nos calculs. Or, sur les 156 bataillons, 114 escadrons et 145 batteries de troupes d’invasion, 43 bataillons, 46 escadrons et 33 batteries au minimum peuvent aborder à pied la frontière dont ils sont éloignés de 30 kilomètres au plus. Il reste donc à transporter 113