Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a tout organisé pour la météorologie, sollicité perpétuellement par le gouvernement et n’en recevant jamais de subsides, mais y dépensant les prix qu’il a obtenus de l’Académie des Sciences.

Bref, le service de l’Agriculture s’est borné à acclimater quelques centaines d’espèces utilisables à longue échéance, à multiplier les cessions de plants et de grains aux particuliers et à envoyer des collections pour les expositions. Il a par ailleurs réparti dans 200 cocoteries 140 000 plants. Enfin, l’on a institué des comices agricoles et une chambre d’agriculture où, une fois l’an, des colons viennent du Nord et du Sud, aux frais de la colonie, manifester leurs désirs et leur mécontentement.

Victimes du temps ou de l’Etat, les colons sont rarement satisfaits. La plupart désespèrent volontiers de tout. Seuls, les Algériens qu’on envoie à Madagascar se rendent compte que le pays a une richesse incontestable, l’eau, qui suffirait à la fortune du leur. Les autres s’effarent de se trouver dans une contrée si différente de l’Europe. Presque tous leurs essais ont échoué ; plusieurs ont enfoui dans des entreprises fort intéressantes des centaines de mille francs, n’ayant ni prudence, ni patience, ni connaissance des terrains, ni tact des hommes qui eussent pu les servir. Tel officier d’artillerie au geste large commence par acheter pour 100 000 francs une concession qu’on liquide, au lieu d’en demander une au gouvernement, et veut monter sur un pied de luxe aristocratique, avec un outillage minutieux, une opération où il dépense 200 000 francs de frais généraux en un an, y appelant pour agens des fils de famille ruinés : malgré l’appui de l’administration qui lui fournit des bourjanes, son entreprise a lamentablement échoué, et il accuse l’Etat de sa déconvenue. Tel autre, gentilhomme intelligent et énergique qui s’ennuyait à Paris, s’éveillant au désir de faire acte de création et de vivre une existence active et bienfaisante, part pour Madagascar avec le dessein d’une grande exploitation agricole. Il voyage, choisit lui-même ses terres dans des alluvions riches, décide de tenter quelque chose de nouveau, jette les semences d’une plantation à long terme : au bout de neuf ans, les cacaos n’ont pas donné, et, froidement, jugeant l’expérience ratée, ne voulant pas perdre de temps, il ordonne de les arracher et de planter du café pour voir bientôt un de ses voisins, qui n’avait pu l’imiter faute des ressources nécessaires, récolter soudain du cacao à la dixième année. Il rentre un hiver à Paris : sa maison est détruite par un