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s’engagèrent au flanc des montagnes qui dominent la plaine où coule l’Arroux, une route étroite, bordée de groupes touffus de chênes et d’acacias, le bois de Reunchy.

Deux heures après leur départ, Fischer arrivait. En chemin il avait rencontré les séminaristes, qui s’étaient remis en route pour Chalon. « La peur les tenait encore saisis. »

Fischer avait encore gagné trois heures sur les bandits. Un cavalier de la maréchaussée vint lui annoncer que ceux-ci étaient campés à une lieue et demie, aux environs du village de Brion. Dès le lendemain, vendredi 20 décembre 1754, à quatre heures du matin, — il faisait encore nuit noire, — Fischer reprit la poursuite avec sa petite armée. On se hâte. Les chevaux sont pressés à coups de canne et d’éperon ; mais, à Brion, on ne trouve pas trace de brigands.

Personne ne consentait à servir de guide contre Mandrin. Fischer en était réduit à suivre la trace laissée par les chevaux des contrebandiers sur la route couverte de neige « qu’il faisait éclairer avec des brandons. » « Cette trace, écrit l’officier, me mena d’abord sur le chemin de Montigny, et ensuite me jeta, par la traverse, dans des bois presque inaccessibles, d’où j’arrivai à une montagne, sur la croupe de laquelle était situé le village de Gueunand. »

Gueunand s’élève à mi-côte d’une montagne couverte d’une épaisse forêt de chênes mêlés de hêtres, et dont la crête arrondie trempe dans les nuages par les temps couverts. C’est le mont de Gueunand. A ses pieds, s’étend la plaine où l’Arroux trace son cours sinueux, parmi des prairies. Celles-ci étaient couvertes de neige. A droite, au premier plan, sur une motte, le château du Pignon blanc, façade carrée, presque lumineuse sur les masses sombres dont l’entoure, en forme de croissant, une hêtraie effeuillée. Et plus loin, se tirant hors du grand drap blanc dont l’hiver a couvert la plaine, l’admirable panorama que dessinent les contreforts du Morvan, d’un bleu pâle, de plus en plus pâle, à mesure que les plans s’éloignent, un bleu clair et léger, — à l’horizon ce n’est plus que de l’atmosphère durcie, — où se dresse la pointe aiguë du Beuvray.

En approchant de Gueunand, Fischer vit une trentaine de contrebandiers qui vaguaient. Mandrin était rejoint. On l’aperçut sans veste, qui sortait de la maison d’un certain Moley, où il avait passé la nuit. Sur-le-champ l’officier disposa ses hommes