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le but, la bouche contenue et loyale, de la résistance et de la décision dans le geste, lui gardèrent toujours l’apparence puissante d’un ouvrier. Mort en 1878, à l’âge de 73 ans, il fut enterré à Mantasoa près d’un serviteur africain que les indigènes nommaient « Monsieur Noir, » et que Laborde avait aimé pour sa fidélité.


V. — FRANÇAIS ET ÉTRANGERS

S’il en est l’exemple le plus héroïque, son œuvre n’est point le seul témoignage de l’énergie nationale à Madagascar. Sans remonter aux personnalités historiques, de Flacourt à Beniowski et de Sylvain Roux à Lambert, et en nous tenant au contraire à cette masse anonyme de planteurs, de négocians, d’explorateurs, de missionnaires, d’architectes ou de médecins qui avaient su faire aimer le nom français des Malgaches avant la conquête, rappelons-nous, pour leur rendre hommage, tous ceux auxquels on a donné le nom collectif et significatif de Vieux-Malgaches, hommes actifs, bons, simples, industrieux, charitables, curieux d’apprendre, instruits, ingénieux à informer leur patrie de tout ce qui touchait Madagascar et à l’intéresser à la Grande Ile étrange et belle, passionnés à construire la science malgache : histoire naturelle, ethnographie, légendes, mœurs, psychologie, arts. On trouve de leurs lettres et de leurs articles dans tous les bulletins de sociétés de province : instinct charmant et précieux du Français qui se plaît à enseigner par goût de société, à faire jouir de ce qu’il voit, à attirer où il est. Avant qu’elle fût annexée et sans que le souvenir du pays maternel en fût en rien affaibli, ils ont aimé l’île de Madagascar comme s’ils y étaient nés ; ils en ont été possédés, ce qui est une manière très française de prendre possession ; vite familiarisés à sa splendeur fauve et comme acoquinés à sa pauvreté somptueuse, ils se sont attendris à ses mœurs et câlinés à ses arts ; des mémoires confuses ils ont-fait surgir son histoire avec le plaisir naïf de l’ancêtre préhistorique dessinant dans les grottes de la Gaule les plus gracieux dessins de l’humanité naissante ; ils ont veillé à la conservation de ses manuscrits.

Pour peupler Madagascar, on ne compte pas sur cette élite de pionniers : on a songé tour à tour aux Alsaciens (projet