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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/896

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les races de l’île, ils ont les qualités qui distinguent la petite bourgeoisie entre les diverses classes de l’Europe ; ils y ajoutent des défauts que nos lois, plus vigoureusement appliquées, réprimeraient car ils ont le respect de la justice. Dans un pays médiocrement peuplé comme Madagascar, on ne saurait assez s’ingénier à les retenir, et, puisqu’il serait excessif et dangereux de leur accorder la naturalisation avec des droits électoraux, on pourrait créer pour eux une demi-naturalisation dont ils seraient très friands, et particulièrement reconnaissans à la France au moment où on les expulse d’Amérique et d’Australie. Ils sont un grand danger quand ils ne font que passer ; mais l’exemple de la Réunion est là pour prouver que, quand ils se fixent, ils deviennent un des élémens de la colonie les plus stables, laborieux et prompts à l’émulation.

Malheureusement on n’a jamais songé à considérer les étrangers à Madagascar que du point de vue fiscal. On n’est sensible qu’à leurs défauts. C’est ainsi que l’administration ne manque jamais une occasion de froisser les Grecs. Sans doute ils sont souvent peu scrupuleux, voleurs, usuriers, mais ils sont d’autre part infatigables, sobres, et se naturalisent très facilement. Peu d’Européens mettent autant d’activité dans la colonie. L’administrateur de Fianarantsoa nous a cité un Grec qui acheta une propriété où un colon avait échoué, creusa lui-même un très long canal pour l’irriguer et y fit prospérer plusieurs cultures. Par un exemple d’un tout autre ordre ressort la diversité des ressources qu’ils offrent à la colonisation : à Tamatave, un Grec seul a su créer la librairie, et, ce qui est plus ardu, une clientèle de lecteurs. Vite au courant des goûts d’un public aussi composite et fuyant et des productions françaises, il écrit à toutes les adresses et il vend Musset et Maupassant aux cultivateurs perdus dans la brousse. A Diégo-Suarez et à Majunga comme à Djibouti et à Port-Saïd, les Hellènes se multiplient. A Tananarive où les Chinois ont échoué, ils savent seuls tenir contre les Hovas. Ils épousent des indigènes et ne songent point à partir, sans inquiétude de leur métropole, attendant patiemment que, gain à gain, le temps leur fasse une nouvelle patrie où leurs fils dirigeront les conseils municipaux.

Il y aurait eu grand intérêt pour l’agriculture à attirer des Italiens et Siciliens : malheureusement on a tant maltraité les premiers convois de main-d’œuvre pour le chemin de fer que