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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/952

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saints l’embrassent pour ainsi dire en leurs dévotions ; parce que les pécheurs demandent miséricorde par elle ; parce que les affligés trouvent en elle leur réconfort, ceux qui sont chargés, leur allégement, et ceux qui combattent, leur courage[1].

Selon saint Thomas, toujours, la musique, — c’est là son pouvoir individuel, — nous affranchit du monde extérieur, nous ramène au dedans, au centre immobile et libre de notre âme. Par sa vertu sociale, elle peut autre chose encore : elle crée je ne sais quelle région d’innocence (regionem innocuam) où l’injustice mutuelle est abolie, où s’efface le mal que les hommes se font entre eux. Que les hommes donc, et tous les âges des hommes, lui donnent une place en leur esprit et dans leur cœur. Elle élèvera la jeunesse, à condition qu’elle ne la possède pas tout entière, qu’elle ne l’enivre ni ne l’égare, et que de ses devoirs supérieurs elle ne la détourne pas. La vieillesse même en sentira le charme encore, non plus sans doute la passion et la flamme, mais la lumière, la douceur et la paix.

Ce charme, la mort peut-être ne le brisera point. A ceux qui seraient tentés de condamner la musique, ceux qui la défendent ne rappelleront jamais trop ces paroles du plus grand des théologiens : « Credibile quod post resurrectionem erit in sanctis laus vocalis. On peut croire qu’après la résurrection les saints chanteront les louanges de Dieu. » Croyons-le donc, et que cette promesse faite, ou du moins cette espérance accordée à la musique, de la vie future et du salut éternel, nous soit comme un témoignage suprême non seulement de sa beauté, mais de sa vertu.


CAMILLE BELLAIGUE.

  1. Quam (musica) sancti in suis devotionibus amplexantur, quâ peccalores veniam petunt, quâ tristes confortantur, quâ spiritu vexati levius se habent, quâ pugnantes animosiores efficiuntur.