que M. Clemenceau nous avait fait peur. Il s’est appliqué ensuite à nous rendre son discours indifférent, soit ; nous y avons une tendance naturelle. Mais comment ne pas éprouver une anxiété profonde en relevant ailleurs les symptômes multiples du progrès que fait la démoralisation de notre armée ? Qu’on veuille bien lire, par exemple, l’article que nous publions plus haut sur notre situation militaire ; il est dû à la plume d’un homme dont personne ne contestera la compétence, puisque c’est le général Langlois : il nous émeut, il nous trouble, il nous inquiète beaucoup plus que le discours de M. Clemenceau n’a réussi finalement à nous tranquilliser. On peut dire dès aujourd’hui que la loi du service de deux ans a manqué à ses promesses, puisqu’elle ne nous a pas donné et qu’elle ne nous donnera certainement jamais le nombre de rengagés qui devaient suppléer à l’absence d’une classe dans l’effectif. Ce résultat était acquis, connu, avoué, et il était sans doute impossible d’y porter remède : on pouvait toutefois en atténuer les effets immédiats au moment de la première application de la loi en retenant pendant quelques mois encore deux classes sous les drapeaux. On n’en a rien fait parce que la mesure aurait été impopulaire, et qu’elle aurait pu avoir des conséquences électorales dont le parti au pouvoir aurait souffert. C’est à des considérations de ce genre qu’on sacrifie les plus graves intérêts du pays, et, si nous nous rappelons bien l’histoire ancienne, la Grèce des rhéteurs et des sophistes n’a jamais n’en fait de pire.
Mais est-il vrai que la propagande antimilitariste n’a pénétré, pour le contaminer, ni le civil, ni le militaire ? Nous voudrions le croire : il est malheureusement difficile de le faire lorsque le Journal Officiel lui-même publie les rapports militaires adressés au ministre de la Guerre sur les événemens du Midi, et que nous y lisons ce qui suit sous la plume du général Coupillaud : « Je n’hésite pas à affirmer qu’en l’espèce, la crise viticole fut un prétexte à une explosion d’anti-militarisme, dans un milieu tout préparé, par la faiblesse de ses sentimens militaires et une certaine couardise, à être la proie de hardis meneurs. » Voilà pour la population civile ; voici maintenant pour l’armée. Le colonel Bouyssou nous dit : « Il s’est même trouvé, chose grave, que certains officiers, sortant de leur rôle d’éducateurs, ou le comprenant mal, ont versé dans l’erreur. Un lieutenant chargé du peloton des dispensés, à Agde, commence ainsi une théorie morale : « Je suis antimilitariste… » Il serait douloureux d’insister davantage.
Et le péril scolaire ? Existe-t-il ou n’existe-t-il pas ? On n’en sait trop rien après le discours d’Amiens. Un instituteur courageux,