Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’autre part, l’accord anglo-russe, qui ne modifie guère la situation économique de la Russie dans le Nord de la Perse, n’est pas de nature à modifier non plus la situation de l’Angleterre dans la région qui lui est réservée, et où elle est la maîtresse incontestée du commerce. En dehors de Bender-Abbas que ne visitent guère que des navires anglais, la ville de Kerman, placée également dans la sphère d’influence anglaise, est depuis longtemps un foyer d’expansion commerciale pour l’Inde. C’est Kerman qui fut choisi comme centre de rayonnement par la mission envoyée de l’Inde par les Chambres de commerce de Bombay et du Bengale en 1904, mission qui, sous la direction de M. Newcomen, passa près de huit mois dans la Perse méridionale. Elle avait pour but d’examiner les relations commerciales entre l’Inde et la Perse, et comprenait plusieurs ingénieurs qui firent de nombreux relevés topographiques, au point qu’un fonctionnaire persan déclara à l’époque que cette soi-disant mission commerciale était « la petite sœur de l’expédition du Thibet. » En même temps, le Seïstan, qui est la partie la plus fertile de cette zone, a été explorée par la mission Mac-Mahon. Une route commerciale a été ouverte par les Anglais dans cette direction, et on parle de commencer la construction d’un chemin de fer qui irait de Bender-Abbas à Kerman et au Seïstan par Minab, Regam et Bam, en contournant les montagnes du Djebel-Basiz.

Mais on n’aurait qu’une idée imparfaite et superficielle de la convention anglo-russe, si on s’en tenait à son texte, et si l’on se bornait à rechercher quel est des deux signataires celui qui a pris le plus en laissant le moins à l’autre. Pour bien en apprécier la signification, il faut encore se demander si elle répond à la conception politique qui l’a inspirée.

Pour assurer la sécurité de la frontière de l’Inde, les Anglais ont eu recours, depuis le début du XIXe siècle, à deux méthodes : l’une voit dans la force et la conquête des pays limitrophes la consolidation de l’empire britannique ; l’autre estime que la meilleure condition de stabilité de cet empire doit reposer sur la garantie d’arrangemens internationaux et sur la reconnaissance et l’affection des indigènes pour les services rendus. La première, qu’on a appelée méthode impériale ou Impérialisme, est une politique agressive, conquérante et faite de compression à l’intérieur ; la seconde, une politique d’alliances et d’amitiés,