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humanitaire et économique. C’est sous l’influence de l’Impérialisme, parvenu à son apogée sous lord Beaconsfield, que les frontières de l’Inde furent portées des rives de l’Indus à la crête de l’Indou-Kouch au Nord, et à la chaîne occidentale des monts Souleïman à l’Ouest ; que le Cafiristan et l’Afghanistan anglais furent annexés ; que l’Inde atteignit « ses limites scientifiques. » Puis, ses limites ne paraissant plus suffire, l’Angleterre voulut dominer le revers septentrional des montagnes qui bordent l’Inde et elle fit graviter dans l’orbite de l’empire anglo-indien le Béloutchistan, l’Afghanistan, le Cachemire, le golfe Persique. Elle a même songé à y faire graviter le Thibet et la Perse. C’est cette politique qui, ayant pour objet de la rendre assez forte pour la rendre indifférente à l’amitié ou à l’inimitié des puissances continentales, lui a fait dédaigner tout traité d’alliance, et l’a confinée dans son « splendide isolement. »

Mais on a fini par se dire, à Londres, que, pour insatiable que soit la politique de conquêtes, il y a limite à tout. Même en expansion coloniale, on ne peut pas toujours annexer. D’ailleurs, depuis lord Beaconsfield, la situation internationale de l’Angleterre a changé. Bien qu’elle reste la plus grande puissance navale, ses navires ont cessé d’être plus nombreux que tous les autres sur la surface des mers. L’Angleterre ne peut qu’au prix de difficultés et de dépenses considérables accroître assez ses constructions navales pour résister aux flottes réunies de plusieurs puissances coalisées. Le temps est passé aussi où, les grandes armées du service militaire et obligatoire n’existant pas encore, il suffisait de jeter 50 000 soldats anglais dans la balance pour la faire pencher.

D’autre part, des problèmes nouveaux se posent : en Asie, c’est l’accession du Japon au rang des grandes puissances ; c’est la rénovation de la Chine, en face desquelles les puissances européennes qui ont des possessions en Asie ont tout avantage à adopter une ligne de conduite politique conforme à leur intérêt commun. En Europe, des événemens peuvent aussi se produire et des éventualités surgir qui ne se termineront par une solution conforme à l’intérêt général que par une entente et par la coopération amicale de toutes les puissances intéressées à ce que l’équilibre actuel ne soit pas troublé à leur détriment. Si l’Angleterre ne veut pas se désintéresser des dissensions européennes, des alliances ou des ententes avec d’autres puissances