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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/165

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Il est intéressant à étudier à beaucoup d’égards, et dans son caractère et dans son œuvre ou, plutôt, dans l’influence qu’il exerça ; car, lui aussi, fut un des ouvriers les plus actifs et les plus remarqués de cette période de transition où l’on reconstitua notre administration financière et où l’on jeta les premières bases du crédit public moderne. Il a laissé peu d’écrits[1] ; il a prononcé, en revanche, un certain nombre de discours, où sont résumées les doctrines sur lesquelles il appuyait ses opinions.


I

Jacques Laffitte est né à Bayonne le 24 octobre 1767. Il était fils d’un artisan. Son père, maître charpentier, dont la famille était nombreuse, ne put faire donner à ses enfans qu’une instruction primaire fort restreinte, il se trouva donc obligé, très jeune, de travailler comme ses frères, pour gagner sa vie le plus tôt possible. Placé d’abord, à quatorze ans, chez un notaire, il abandonna bientôt le papier timbré pour entrer dans une maison de commerce, y prit le goût des affaires, et, vers les vingt ans, manifesta le désir d’aller tenter fortune à Paris. Ses parens ne furent pas favorables à ce projet. Sa mère, surtout, redoutait pour un fils si jeune l’éloignement du foyer familial. Il est peu probable que les craintes d’un bouleversement politique, — on était en 1788, — aient déterminé cette opposition des parens de Laffitte au départ de leur fils. Arthur Young, qui voyageait alors en France rapporte que, dans des provinces peu éloignées de Paris, comme le Bourbonnais, par exemple, les esprits ne semblaient point s’attendre à une révolution si prochaine. La vocation irrésistible de Jacques Laffitte, l’attraction de la capitale, lui firent convaincre sa famille. Il était déjà, du reste, malgré son âge, économe et rangé.

Il partait de Bayonne, plein d’espoir, avec une recommandation de son patron, le commerçant, pour M. Perregaux, banquier à Paris. Celui-ci l’accueillit tout d’abord froidement. Si l’on en croit une légende fort répandue, et qui pourrait s’appliquer à toute autre personne dans les mêmes circonstances, Laffitte

  1. Le plus important est la brochure : Réflexions sur la réduction de la rente et sur l’état du crédit, dont nous nous occupons plus loin.