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de placement ou de spéculation. Elles ne bornent pas, du reste, leurs opérations aux créations d’entreprises industrielles ou de maisons de commerce, elles servent souvent d’intermédiaire aux États pour faire des emprunts publics, ou même leur prêtent directement leurs capitaux ou ceux qu’elles obtiennent du public. Ces prêts consentis par des banquiers aux souverains ou aux États remontent très loin. Les Médicis, les Salviati et les Peruzzi de Florence se livrèrent à ces opérations dont les risques n’étaient du reste pas minces[1].

Dans les vingt-cinq dernières années du XVIIIe et dans les premières années du XIXe siècle, il n’y avait point, à proprement parler, en France, de banques faisant ces grosses opérations de crédit que l’on a appelées depuis opérations de « haute banque. » Les folies de Law et l’écroulement du Système avaient refroidi pour assez longtemps les spéculateurs. L’approche de la Révolution n’était point de nature non plus à les enhardir. Ouvrard, à peu près seul, paraît avoir imaginé, en dehors de ses affaires courantes d’approvisionnement auxquelles il se livrait en sa qualité de fournisseur des armées, quelques combinaisons de spéculation. Il venait, d’ailleurs, en aide au Trésor, lorsque l’on recourait à sa caisse, et faisait payer cher ce genre de services. En réalité, il n’était pas à la tête d’une véritable maison de banque se livrant aux grandes opérations de crédit, mais il fut en relations suivies avec plusieurs banquiers étrangers de cet ordre : entre autres, Baring à Londres et Hope à Amsterdam. A plusieurs reprises, il avait ou recours à eux pour le règlement des achats d’approvisionnemens qu’il ne pouvait, en certains cas, effectuer en France.

Les banques dites de commerce étaient, au contraire, assez nombreuses chez nous, et particulièrement à Paris. Quelques-unes avaient joint à leur opération principale, c’est-à-dire à l’escompte, l’émission de billets de banque. Le droit d’émission était alors de droit commun et demeura tel jusqu’à l’époque où l’on créa la Banque de France. L’une d’elles, la Caisse d’Escompte, dont la fin fut lamentable par suite des faiblesses de ses directeurs à l’égard du gouvernement, avait été fondée en 1776[2]par

  1. Les Médicis entre autres prêtèrent des sommes assez élevées à Edouard IV, roi d’Angleterre, et au Duc de Bourgogne qui eut aussi recours à la caisse de Salviati.
  2. Elle dura jusqu’en 1793, au milieu de difficultés sans nombre. Elle avait lié son sort à celui de l’Etat, et cette liaison dangereuse explique suffisamment pourquoi elle tourna mal. Cambon la lit supprimer. Lavoisier fut l’un de ses administrateurs. Léon Say a écrit une précieuse notice historique sur la Caisse d’Escompte.