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collectif[1]. » La souscription des 12 millions promis tomba d’un coup à 3 millions. Perregaux était parmi les banquiers présens à cette entrevue. Ceux-ci, de même que les notables commerçans de Paris, n’avaient point, en examinant à tête reposée les conditions de l’emprunt, trouvé les garanties suffisantes pour le souscrire en entier. De là leur prudente retraite dont on n’osa, du reste, leur faire reproche. Bonaparte même, après une assez longue pratique des affaires de cet ordre, Imita toujours le crédit comme un ennemi qu’il faut vaincre, ou comme une organisation que le souverain doit manier à sa guise. Sur ce point, cette première déception ne fut pas la seule dont il eut à souffrir.

On voit dans quel milieu avait débuté Laffitte et quelle empreinte il reçut de son éducation professionnelle, au sens propre du mot : ce devait être celle d’un banquier de commerce. A partir du moment où Perregaux était entré au Sénat, il avait eu à peu près la complète direction de la banque. Lorsque celui-ci mourut, il désigna son associé pour lui succéder et le nomma son exécuteur testamentaire. Le fils de Perregaux demeura pendant six ans ensuite commanditaire de la maison. Ce n’est qu’en 1809 que la banque Perregaux devint la banque Jacques Laffitte.

Vers cette époque, Laffitte fut nommé régent de la Banque de France, et succéda comme président de la Chambre de commerce de Paris à Dupont de Nemours. Il continua de diriger sa banque sans attirer sur lui l’attention publique jusqu’aux événemens importans, qui marquèrent la chute de l’Empire et l’avènement des Bourbons. Toute cette première partie de sa vie est consacrée aux affaires courantes de sa maison. Il est un banquier adroit et avisé. Sa fortune grandit. Il se distingue de ses confrères par la façon dont il est parvenu à conquérir sa situa-lion, à pénétrer dans un milieu assez fermé aux gens de son origine et de sa condition, et aussi par une certaine manière d’être qui rappelle à son honneur l’une et l’autre. Sa prudence en affaires est doublée d’une loyauté faite d’une véritable noblesse de sentimens. Il jouit de l’estime et de la confiance générales. Quand Napoléon revint de façon si foudroyante de l’île d’Elbe, Louis XVIII, forcé de fuir, remit à Laffitte un dépôt d’argent considérable. C’est à lui aussi que Napoléon, définitivement

  1. Voyez les Finances du Consulat, p. 56 et suivantes.