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respecter avant tout les promesses qu’il avait faites ? Puis il définit très bien l’amortissement et s’en déclare partisan à condition qu’il soit appliqué suivant des règles très étroites. À cette époque, la question de l’amortissement avait déjà, en Angleterre et en France, provoqué beaucoup de polémiques, fait prononcer bien des discours. Les uns y voyaient un expédient dangereux à la suite des exagérations qu’avaient enfantées les doctrines optimistes du docteur Price ; les autres le considéraient comme un instrument automatique de résultats certains. Laffitte mit l’opération de l’amortissement au point et montra que son efficacité dépendait surtout de la sévérité et de la sincérité avec lesquelles elle serait conduite.

Toute son argumentation dénote un esprit prudent et sage. Il songe à tout, et considère l’Etat comme un particulier, comme un client auquel, lui, banquier plein d’expérience, aurait à donner des conseils. Non seulement il indique les économies à réaliser dans les administrations de la guerre et de la marine, où tant d’erremens étaient à réformer, mais il exprime encore le vœu que l’on négocie, pour obtenir des économies de ce côté, le retrait d’une partie des troupes alliées qui occupaient alors le territoire. Assurément, ce discours ne contient pas d’idées très originales et il peut sembler aujourd’hui aux personnes versées dans les questions financières que les vérités qui y sont proclamées sont des vérités de La Palisse. Il y aurait cependant profit pour beaucoup de nos contemporains, trop portés à considérer l’Etat comme une source inépuisable de richesses, à se pénétrer de ces principes, si simples en apparence, de bonne administration financière. L’exposé, malgré le sujet, est d’ailleurs clair et sobre. C’est un mérite pour l’époque où le parlementarisme venait à peine de naître, et où le problème du crédit public n’avait pas encore été discuté en France de cette façon. M. Thiers qui travailla, quelques années après, avec Laffitte, posséda aussi cette clarté et cette simplicité d’exposition, bien qu’il eût plus fréquemment recours à l’image et à l’anecdote dans ses discours. Il n’était pas du même Midi que Laffitte et avait une culture littéraire bien supérieure à la sienne. Laffitte, il faut de plus le remarquer, avait pour thème de discussion le projet présenté par Corvetto où se trouvaient déjà établis les principes qu’il invoquait lui-même. Néanmoins, il a le mérite de n’avoir point la superstition de l’Etat ; et s’il fait de la surenchère, comme on