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lui-même[1]. En attendant qu’un de ces heureux hasards, dont il ne faut jamais désespérer, y conduise, arrêtons-nous sur un épisode qui, peut-être, en contribuant à faire connaître l’homme, — une partie de l’homme tout au moins, — aidera les chercheurs dont l’enlèvement de 1800 pourrait à nouveau solliciter la curiosité.


I

Né à Paris[2]en 1750, Dominique Clément de Ris était le fils d’un procureur au Parlement[3]et le petit-neveu d’un des professeurs de droit les plus estimés de l’époque, M. Clément de Malleran. Il était donc comme voué par tradition de famille à l’étude des lois. En effet, après de fortes études classiques, il se fit recevoir avocat au Parlement en 1772. Quelques mois plus tard, la mort de sa mère[4](juin 1773) le laissait maître d’une aisance que son goût pour les plaisirs, pour la toilette, pour toutes les élégances de la vie, joint à la fréquentation d’une société libertine, l’amenèrent, en dépit des observations paternelles, à dissiper assez promptement. Restait la ressource des dettes : il en fit. Son père se fâcha : le fils ne tint pas plus compte de sa colère qu’il n’avait tenu compte de ses remontrances. Du coup, ce fut la brouille, non seulement avec le père, mais avec le reste de la famille, une brouille qui ne dura pas moins de deux années.

  1. Interrogé par ses amis, par ses proches, par ses enfans, sur ce qu’il savait de son enlèvement, toujours M. Clément de Ris se dérobait : « Ne parlons pas de cela, » répondait-il invariablement. Jamais l’on n’en put tirer autre chose. — Nous avons eu communication de sa volumineuse correspondance, de tous ses papiers, et nous n’y avons rien trouvé jusqu’ici qui ajoute à ce qu’on sait déjà, ou plutôt à ce qu’on ne sait pas, soit qu’il ait détruit, par prudence, tout ce qui avait trait à cette affaire ; soit, autre hypothèse qui ne manque pas de vraisemblance, que ceux-là mêmes qui avaient préparé et machiné son enlèvement eussent eu précisément pour but de dérober les papiers qui seuls pouvaient faire la lumière. Les ont-ils détruits ou cachés en un recoin d’où on les exhumera quelque jour ? toute la question est là.
  2. Nous avons cru utile d’entrer dans quelques détails biographiques, non-seulement en vue de l’intelligence du récit qui va suivre, mais aussi pour rectifier, d’après des documens de famille authentiques, les nombreuses erreurs de dates et de faits qui figurent dans toutes les notices ou tous les écrits où il a été parlé de M. Clément de Ris.
  3. Louis Clément de Ris (1714-1786), procureur au Parlement de Paris, Conseiller du Roi, Secrétaire en sa grande Chancellerie, était originaire de Langres. — 11 avait eu trois enfans, une fille, née en 1745, un fils, mort à 21 ans en 1769, et Dominique, né en 1750.
  4. Elle se nommait Marie-Jeanne Auvray, et était originaire d’Ypres.