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une lettre à l’adresse du citoyen Louis, du Bas-Rhin, membre du Comité de sûreté générale. Après quoi, l’on continua la route sur Paris[1], tandis que Garnier de Saintes écrivait à Mme Clément de Ris, pour la rassurer : « Votre mari, aimable citoyenne, vient de dîner avec moi. Il se rend à Paris, et son voyage ne sera qu’un triomphe pour sa vertu. Je lui ai donné une lettre pour un membre du Comité de sûreté générale, mon ami intime. Elle ne contribuera pas peu à lui faire rendre prompte justice. En parlant de lui, je n’ai pas oublié son lâche calomniateur qui m’était déjà connu sous les traits odieux qui le décèlent. Soyez, ainsi que votre chère fille, sans regrets comme sans alarmes. Vos peines du moment vous préparent des journées bien consolantes. N’oubliez pas, en passant ici, de venir me faire une visite. Rappelez-moi au souvenir de votre aimable famille. Sécurité et confiance. »

Sécurité ! confiance ! de tels sentimens se prêchent, mais ne se commandent pas, et la situation ne les comportait guère. Il est toutefois une vertu qui, pas un moment, ne faiblit en Mme Clément de Ris, c’est le courage. Elle y puisa, comme aussi dans sa grande tendresse, la force de suffire à tout. Elle vit les uns, écrivit aux autres, à Tallien alors à Bordeaux, à Guimberteau alors à Rouen, etc. Puis, ces premières mesures prises, se sentant plus utile à Paris que partout ailleurs, le 15 février, elle partit, avec sa fille Clémentine, le cœur serré, l’angoisse dans l’âme.

Les trois garçons étaient restés à Tours, en quelles dispositions, on le devine. Le plus profondément troublé était Emile, le cadet, nature sensible, nerveuse à l’excès. Le chagrin, chez cet enfant de onze ans, s’exalte et s’exhale en un flot de paroles sous lesquelles on croirait ouïr le sanglot. La lettre qu’il écrit à sa mère, au lendemain du départ, n’est qu’un bouillonnement d’idées, d’images qui se pressent, de sentimens qui débordent, de questions et de recommandations mêlées, de pensées pour tous ceux dont le nom et la mémoire interviennent dans ce drame ; c’est un adieu qui ne sait plus finir, qui cesse, qui reprend, et

  1. Dès l’arrivée à Paris, Toupiolle se hâta de faire payer aux prisonniers les frais de leur arrestation et de leur voyage, comme en témoigne la quittance suivante : « Nous soussignés, commissaires du Comité de sûreté générale, reconnaissons avoir reçu du citoyen Clément de Ris la somme de 1 265 francs 5 sols, pour les dépenses par nous faites relativement à son arrestation et à celle du citoyen Texier-Olivier. Dont quittance à Paris, le 28 pluviôse, l’an II de la République. — Signé : Toupiolle et A. Martineau, commissaires. »