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Le roi des Belges à la reine Victoria.


Ostende, 21 septembre 1839.

Ma très chère Victoria.

Votre charmante petite lettre vient de me parvenir et m’a frappé au cœur comme une flèche. Oui, ma bien-aimée Victoria, je vous aime tendrement, et avec toute cette puissance d’aimer que l’on trouve chez ceux qui n’en font pas parade. Je vous aime pour vous-même, et j’aime en vous la chère enfant sur le bonheur de qui j’ai veillé avec grand soin. Mon grand désir est toujours que vous sachiez que je veux vous être utile, sans compter en retour sur autre chose qu’un peu d’affection partie de votre cœur ardent et bon. Je suis même presque content que mes affaires politiques, toujours en suspens, soient réglées, car ainsi il ne vous sera plus du tout possible d’imaginer que j’aie besoin de quelque chose. J’ai tous les honneurs possibles, et je suis, au point de vue politique, très solide, plus même que la plupart des souverains d’Europe. La seule ambition politique que j’aie encore est l’Orient, où peut-être, un jour, je terminerai ma vie, au contraire du soleil : je me lèverai à l’Occident pour me coucher à l’Orient. Je ne vous impose jamais mes services, ni mes conseils, bien que je puisse dire avec quelque vérité, qu’en raison de l’extraordinaire destinée que m’ont fixée les puissances célestes, mon expérience d’homme politique et d’homme privé est grande. Je suis toujours prêt à vous être utile et quand vous voudrez et, je le répète, tout ce que je demande en échange c’est un peu d’affection sincère de votre part.

Je m’arrête là pour aujourd’hui, en vous exprimant de nouveau la satisfaction et le plaisir que j’ai eus à voir hier matin votre cher et loyal visage : vous étiez si gentille dans votre costume du matin ! Les heures se sont très agréablement écoulées ; seul le temps a contrarié nos projets ; mais c’est là une chose à laquelle on doit se résigner, quand tout le reste est délicieux. Encore une fois, que Dieu vous bénisse ! Toujours, ma très chère Victoria, votre oncle dévoué.