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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/24

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La reine Victoria au roi des Belges.


Château de Windsor, 15 octobre 1839.

Mon très cher oncle,

Cette lettre, j’en suis sûre, vous fera plaisir, car vous m’avez toujours donné des preuves de l’intérêt que vous prenez à tout ce qui me concerne. Je suis parfaitement décidée, et je l’ai dit à Albert ce matin. L’ardente affection qu’il m’a témoignée en l’apprenant m’a fait un grand plaisir. Il me semble la perfection, et j’ai en perspective un très grand bonheur. Je l’aime plus que je ne saurais dire, et je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir, pour rendre le sacrifice qu’il a fait (car, à mon avis, c’est un sacrifice) aussi léger que possible. Il me paraît avoir beaucoup de tact, qualité singulièrement nécessaire dans sa situation. Ces derniers jours ont passé comme un rêve, et je suis tellement bouleversée par tout cela, que je sais à peine écrire, mais je suis très, très heureuse.

Il est absolument nécessaire que ma décision ne soit connue de personne autre que vous et l’oncle Ernest, — jusqu’à la rentrée du Parlement : — sinon, on trouverait que j’ai fait preuve de négligence, en ne convoquant pas le Parlement immédiatement, afin de l’en informer… Lord Melbourne, que, naturellement, j’ai consulté sur toute cette affaire, approuve complètement mon choix et exprime la grande satisfaction que lui cause cet événement, qu’il trouve désirable à tous les points de vue. Lord Melbourne a agi en cette occasion, comme il l’a toujours fait vis-à-vis de moi, avec la bonté et l’affection les plus grandes.

Nous croyons aussi qu’il vaut mieux, et Albert est de cet avis, nous marier bientôt après la rentrée du Parlement, vers le commencement de février ; et vraiment, étant donné mon amour pour Albert, je ne saurais désirer que cet événement fût retardé. Mes sentimens sont un peu modifiés, je dois l’avouer, depuis le printemps dernier : je disais alors que je ne pouvais songer à me marier avant trois ou quatre ans. La vue d’Albert a changé tout cela.

Je vous en prie, mon bien cher oncle, transmettez ces deux lettres à l’oncle Ernest (à qui je vous demande de recommander une discrétion absolue, et d’expliquer les détails, car je n’ai pas le temps de le faire), ainsi qu’au fidèle Stockmar…