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évolue, mais vers quoi ? Le corps humain, lui aussi, évolue sans cesse, d’abord vers la maturité, puis vers le déclin et la mort. L’armée change aussi, elle se modifie. M. le ministre de la Guerre en témoigne tout comme le général Langlois ; mais où la conduira cette évolution ? Toute la question est là. Elle se désorganise, dit le général Langlois : non, dit M. le ministre de la Guerre, elle évolue. La discipline y est entamée, nous en avons eu des exemples frappans : elle se désorganise, dit le général Langlois ; elle évolue, dit le général Picquart. La faveur y joue un rôle exorbitant et jamais les influences politiques et parlementaires n’y avaient été à ce point prépondérantes : elle se désorganise, dit le général Langlois ; on connaît l’euphémisme du général Picquart. A quoi bon pousser plus loin ce douloureux parallélisme, où les mêmes faits sont si diversement qualifiés ? Nous souhaitons de tout notre cœur que M. le ministre de la Guerre soit celui des deux qui voie le plus juste, mais assurément nous ne le croyons pas, et ce n’est pas l’ordre du jour de la Chambre qui modifiera notre sentiment. Rarement sujet aussi grave a été traité aussi superficiellement que l’autre jour à la Chambre. Le problème reste le même. Il n’y a rien de changé en France, il n’y a qu’un ordre du jour de plus : quoi de plus vain en présence de la question redoutable qui reste suspendue sur nos têtes ?


Le gouvernement a eu la majorité : il l’aura aussi sans doute pour le projet de loi qu’il a déposé en vue de régler autrement que ne l’avait fait la loi de séparation ce qu’on appelle la dévolution des biens ecclésiastiques. Il s’agit des biens qui, sous le régime du Concordat, étaient administrés par les fabriques et qui, dans le régime nouveau, devaient faire retour aux associations cultuelles. Il ne s’est pas formé d’associations cultuelles, que faire des biens ?

La loi de séparation les avait, dans ce cas, attribués aux communes ; mais, comme on avait cru à l’origine que le cas ne se présenterait pour ainsi dire jamais, on ne s’était pas occupé des mille difficultés dont la dévolution aux communes devait être inévitablement hérissée. Quand l’éventualité qu’on avait jugée invraisemblable a été pourtant sur le point de se réaliser, M. le ministre des Cultes a fait son possible pour détourner des communes ce qu’il appelait pittoresquement des « nids de vipères. » Il n’y a pas réussi ; l’Eglise est restée intraitable ; la dévolution aux communes est devenue inévitable. Alors M. le ministre des Cultes s’est appliqué à enlever peu à peu toutes les vipères du nid où elles dormaient en attendant le mo-