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M. Briand, que nous avons rappelé : « Nous sommes d’honnêtes gens. » Lorsqu’il a été prononcé, le mot voulait dire, incontestablement, qu’il serait peu honnête d’attribuer un bien à une commune en la dispensant de l’exécution des charges qui en sont inséparables. Mais qu’est-ce qu’une obligation s’il n’y a personne pour la faire respecter ? La loi de séparation avait été très large : elle avait décidé que ce droit appartiendrait à tous les héritiers du donateur, directs ou indirects. La loi nouvelle est infiniment plus restrictive : elle l’enlève aux collatéraux et aux légataires universels. De quoi s’agit-il le plus souvent ? Il s’agit de messes à dire avec une intention et une application spéciales : c’est le désir ou plutôt la volonté que ces messes fussent dites qui a déterminé le don. M. Maurice Barrès l’a rappelé à la Chambre avec éloquence. MM. de Castelnau et Grousseau avaient traité le côté juridique de la question ; il en a montré le côté humain ; il a parlé au nom de ceux qui se taisent éternellement, au nom des morts et du respect qui est dû à leurs dernières volontés. D’après la loi proposée, s’il y a encore des héritiers directs du donateur, la commune sera tenue de faire dire les messes ; mais, s’il n’y a plus que des collatéraux, la commune pourra en prendre à son aise. Elle fera dire les messes si elle veut, elle ne les fera pas dire si elle préfère, et, avec l’esprit qui souffle, il est probable qu’elle en viendra très vite à ce dernier parti. Nous parlons des messes, mais il peut y avoir d’autres cas où l’exécution des conditions mises à un legs est difficile ou impossible. Qu’advient-il alors ? Dans le droit commun, tous les héritiers peuvent exercer une action en révocation ; dans le droit exceptionnel qu’on prépare, quelques-uns ne le pourront plus, et ce sera le plus grand nombre.

On voit par cet exemple la marche, le progrès de notre législation dans un sens déterminé, qui est toujours le même. Et que dire de la disposition qui, donnant à la loi un effet rétroactif, relire aux ayans droit le bénéfice des procès qu’ils ont gagnés, annule toutes les procédures en cours et met tous les frais à la charge des demandeurs ? C’est une monstruosité juridique ! Les journaux libéraux, à quelque opinion politique qu’ils appartiennent, ont attaqué le projet de loi ; les journaux radicaux et socialistes l’ont défendu avec plus de vivacité encore, avec violence même, en le déclarant d’ailleurs insuffisant. Quant au gouvernement, au moment où nous écrivons, il n’a encore rien dit ; mais on peut prévoir par quelques interruptions de M. le ministre des Cultes qu’il rejettera sur les catholiques la responsabilité de la spoliation dont ils vont être victimes. Que n’ont-ils pas formé