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nous sommes demandé nous-mêmes ce que nous attendions du Sultan et ce que nous projetions de faire pour lui. Il ne peut pas grand’chose pour nous, et il le pourra dans l’avenir moins encore, enchaîné qu’il est, comme nous le sommes d’ailleurs aussi, par l’Acte d’Algésiras. Nous souhaitons très sincèrement que sa situation se consolide et qu’il vienne à bout de tant de difficultés qu’il a amoncelées devant lui. Mais si nous n’hésitons pas à le reconnaître et à lui témoigner notre bon vouloir, notre empressement ne saurait aller jusqu’à nous engager avec lui. Nous disions déjà, il y a quinze jours, que ce que nous avions fait en sa faveur, — et nous avons fait depuis davantage, — risquait d’avoir pour inconvénient de pousser Moulaï-Halid à bout et de le jeter dans les aventures. Il serait peut-être téméraire de rattacher à toute cette mise en scène de Rabat l’effervescence nouvelle qui s’est produite autour de Casablanca. Cependant toutes les dépêches disent que les Marocains contre lesquels nos soldats sont venus se heurter sont l’avant-garde de la mehalla de Moulaï-Halid. Le fait, s’il est exact, n’a rien qui puisse nous inquiéter : nous aimerions mieux, toutefois, que Moulaï-Hafid se battît contre son frère que contre nous.

Tachons donc de savoir exactement ce que nous voulons faire au Maroc, et tenons-nous-y, après nous en être fait une idée aussi claire que possible. Nous assistons depuis quelques jours à une campagne de presse, qui a pour objet de pousser notre gouvernement en avant, plus loin sans nul doute qu’il n’a eu jusqu’ici l’intention d’aller, et nous regretterions qu’il cédât à de pareilles suggestions. On parle aussi de l’Acte d’Algésiras comme d’un papier désormais sans valeur et dont le moment est venu de changer le texte, comme si cela dépendait de nous seuls et comme si nous étions sûrs, ou même si nous avions la moindre raison de croire que les autres s’y prêteraient. Nous n’oublions pas que l’Acte d’Algésiras n’a été fait que pour cinq ans de sorte qu’il y aura bientôt lieu de se demander, en effet, s’il convient de le maintenir tel quel ou de l’amender ; mais tel qu’il est, il pourvoit parfaitement aux besoins de l’heure présente, et, s’il est interprété avec une certaine largeur d’esprit, il suffit à ce que nous avons à faire actuellement au Maroc. Ce que nous avons à y faire, nous l’avons dit bien souvent. Il faut repousser très loin toute pensée de nous introduire dans les affaires intérieures du Maroc sous prétexte d’y rétablir l’ordre. Si une œuvre pareille ne dépasse pas nos moyens, elle les absorberait pour longtemps, et nous ne serions nullement sûrs de trouver, au terme de notre effort, la juste récompense de ce qu’il nous aurait coûté. Bornons-nous à assurer la tranquillité