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lieu de songer à votre bonheur, aurait pu ne penser qu’à ses idées personnelles et à ses intérêts imaginaires. Il n’en a pas été de même pour notre ami : il n’a vu que ce qui valait le mieux pour vous ; et je trouve que cela lui fait honneur.

Votre projet de garder les cousins auprès de vous, pendant le mois prochain, me semble excellent. Vous montrerez ainsi que vous avez eu le temps nécessaire pour juger du caractère d’Albert…


Le roi des Belges à la reine Victoria.


Saint-Cloud, 26 juillet 1840.

Ma très chère Victoria,

Votre chère lettre du 19 m’a fait grand plaisir…

Laissez-moi maintenant ajouter quelques mots de politique. La façon secrète, dont les arrangemens pour le règlement des affaires turco-égyptiennes ont été signés, la mise à l’écart de la France dans une question si près d’elle et qui touche à beaucoup de ses intérêts, a produit ici un effet désastreux[1]. Je ne puis vous cacher que les conséquences peuvent être très sérieuses, d’autant que le ministère Thiers est soutenu par le parti populaire, et aussi insoucieux des conséquences que votre propre ministre des Affaires étrangères, et même plus, car Thiers lui-même ne serait pas fâché de voir ce qui existe sens dessus dessous. Il est fortement imprégné des idées de renommée, de gloire, qui caractérisèrent partiellement l’ère de la République et l’époque impériale. Il ne serait même pas très inquiet à l’idée d’une Convention régnant de nouveau en France, car il pense qu’il serait l’homme fait pour diriger l’Assemblée, et m’a dit l’an dernier que, à son avis, c’était peut-être pour la France la plus puissante forme de gouvernement.

Voici comment on aurait dû agir : sitôt que les quatre puissances s’étaient mises d’accord sur une proposition, la communiquer officiellement à la France pour qu’elle s’y associe. La

  1. Le 15 juillet, une convention fut signée, à Londres, par les représentans de l’Angleterre, de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse, afin d’adresser un ultimatum au vice-roi d’Egypte. L’exclusion de la France causa, à Paris, une vive irritation. Guizot, alors ambassadeur à Londres, avait été tenu dans l’ignorance du projet, mais le secrétaire aux Affaires étrangères, lord Palmerston, déclara qu’il n’y avait eu là ni discourtoise intention, ni manque de considération.