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satisfaisante. Je ne pourrais réellement vous donner qu’une faible idée des splendeurs de la fête de Versailles : cela dépasse tout ce que l’on peut imaginer ! J’ai conçu une grande affection pour l’Empereur, et je crois qu’il y a réciprocité, car il nous a témoigné une confiance, dont nous ne pouvons nous sentir que très flattés, et il s’est entretenu avec nous de tous les sujets, même les plus délicats. Je ne lui trouve aucune rancœur personnelle envers les Orléans. Il n’a rien détruit de ce que le Roi avait fait, pas même la gymnastique des enfans à Saint-Cloud, et il témoigna de très bons et très jolis sentimens en nous menant voir le monument du pauvre Chartres, qui est superbe. Son tact et sa bonté ne peuvent pas être surpassés. Je dois terminer en grande hâte et vous en dirai plus long un autre jour.


La reine Victoria au roi des Belges.


Château de Balmoral, 11 septembre 1855.

Mon très cher oncle,

Le grand événement vient enfin de se produire : Sébastopol est pris ! Nous en avons reçu la nouvelle ici, hier soir, alors que nous étions tranquillement assis autour de la table après dîner. Nous avons fait ce que nous pouvions pour célébrer cette victoire, mais ce fut bien peu de chose, car à mon grand regret, nous n’avions pas un soldat, aucun orchestre, rien en un mot qui nous permît une démonstration quelconque. Nous avons dû nous contenter d’allumer un feu de joie à la mode écossaise sur le haut de la colline en face de notre maison ; les matériaux en avaient été assemblés, l’année dernière, quand la nouvelle prématurée de la chute de Sébastopol vint décevoir tout le monde ; ils avaient été laissés tels que, et nous les avons retrouvés intacts à notre retour !

Samedi soir, nous avions appris la destruction d’un navire russe ; dimanche matin, celle d’un second ; hier matin, la chute de la Tour de Malakoff, — puis celle de Sébastopol ! Nous avions échoué contre le Redan le 8, et je crains que nous ayons perdu beaucoup de monde. Cependant, nos pertes quotidiennes dans les tranchées étaient devenues si sérieuses que, quelles que soient celles que nous avons pu subir dans l’assaut final, elles ne sauraient leur être comparées. Cet événement va combler de joie mon