Château de Windsor, 5 décembre 1855.
Mon très cher oncle,
J’ai de nombreuses excuses à vous faire, pour ne pas vous avoir écrit, puis remercié de votre aimable lettre du 30 ; mais vendredi et samedi, mon temps a été absolument pris par mon Royal Frère, le roi de Sardaigne[1], et j’ai dû réparer le temps perdu ces jours derniers. Il nous quitte demain à une heure extraordinaire, — quatre heures du matin (ainsi que vous l’avez fait une fois ou deux), — car il désire être à Compiègne demain soir, et mardi à Turin. Il est eine ganz besondere-abenteuerliche Erscheinung, et ses manières, son attitude surprennent extraordinairement quand on le voit pour la première fois ; mais, comme le dit Aumale, il faut l’aimer quand on le connaît bien. Il est très franc, ouvert, juste, loyal et tolérant et possède un sûr bon sens. Il ne manque jamais à sa parole, et l’on peut compter sur lui, mais il est bizarre et extravagant, aime à courir les aventures et les dangers, et exagère cette manière de parler étrange, brève et rude, qui était celle de son pauvre frère. En société, il est sauvage, ce qui le rend encore plus brusque. N’étant jamais sorti de son pays, ni même dans le monde, il ne sait que dire aux nombreuses personnes qu’on lui présente ici, ce qui est, il est vrai, je le sais par expérience, une des choses les plus odieuses qui existent. Il a un sincère attachement pour la famille d’Orléans, surtout pour Aumale, et il sera pour eux un ami sûr en même temps qu’un bon conseiller. Aujourd’hui, il recevra l’Ordre de la Jarretière. Il ressemble davantage à un chevalier ou à un roi du moyen âge qu’a un quelconque de nos contemporains.
Tuileries, 14 janvier 1855.
Madame et chère sœur,
Votre Majesté m’ayant permis de lui parler à cœur ouvert toutes les fois que des circonstances graves se présenteraient, je
- ↑ Le roi Victor-Emmanuel.