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LA RIVALITÉ DES GRANDES PUISSANCES
DANS
L’EMPIRE OTTOMAN

Certaines capitales de grands États sont comme la synthèse des provinces dont elles résument les génies particuliers ; elles agissent, dans le corps national, à la façon d’un cerveau qui perçoit et enregistre toutes les sensations, de si loin qu’elles viennent, qui sert de moteur et de régulateur à la vie de tout l’organisme : telle n’est pas Constantinople. Quand on quitte les horreurs de Macédoine pour les enchantemens du Bosphore, à peine peut-on croire que l’on n’a franchi aucune frontière, tant l’atmosphère est différente, tant les pensées des hommes prennent un autre cours, tant leurs passions ont d’autres objets. Là-bas, les bandes, l’atrocité des attentats et de la répression, les villes inquiètes, les campagnes mornes, comme opprimées par un destin ennemi, mais aussi les passions fortes, la foi, l’enthousiasme national, la guerre moins funeste aux nations que la lente pourriture, des hommes rudes, prompts à donner la mort, mais résignés à l’accepter. Ici, les affaires et la joie de vivre, le gouvernement, les ambassades, les banques, les sociétés financières et industrielles, un monde cosmopolite, pressé de jouir, avide d’argent, où l’intrigue qui réussit est plus prisée que le courage. Troubles de Macédoine ou d’Arménie, question arabe ou question bulgare n’apparaissent plus, vues des rives de la Corne d’Or, que comme des entraves au commerce et des