L’hégémonie allemande en Orient est donc fondée d’abord sur les relations cordiales des deux souverains. C’est ce qui en fait la force et en même temps la faiblesse, car il se manifeste parfois, dans l’entourage du Sultan et parmi les hauts fonctionnaires, une certaine lassitude de la tutelle germanique ; c’est un sentiment dont les Turcs exagèrent volontiers l’expression quand ils parlent à des Anglais ou à des Français, mais qui existe réellement. Les préférences naturelles des hommes d’Etat turcs sont pour un système de bascule où les influences européennes s’opposent et se font échec les unes aux autres. Après le Sultan actuel, peut-être verra-t-on, sinon une réaction anti-allemande, du moins une bonne volonté moins constante à l’égard de l’Allemagne et de ses intérêts. Mais déjà les positions décisives seront prises ; l’aigle germanique a posé sa serre puissante sur l’Empire ottoman, la force seule pourrait l’obliger à desserrer son étreinte. Aux sympathies réciproques de deux souverains, survivra l’organisation allemande. Un réseau d’entreprises allemandes enveloppe toute la vie économique de la Turquie ; toutes les affaires possibles sont notées d’avance, étudiées, cataloguées, demandées. Les historiens ont souvent remarqué que l’unification de l’Allemagne sous le caporalisme prussien n’était pas l’œuvre organique de la nature, mais l’œuvre artificielle de la volonté de quelques hommes. De même aussi l’expansion économique de l’Empire, sa puissance sur mer, « l’Impérialisme, » est une œuvre de volonté et d’organisation méthodique. Quand l’Allemagne, dernière venue des grandes nations industrielles, arriva sur le marché universel, les commandes, comme par une pente naturelle, allaient se concentrera Londres. Pour vivre, les industriels allemands durent conquérir leur clientèle par la supériorité de leur organisation ; ce qui, pour les autres grandes nations productrices, a été l’œuvre patiente du temps et des circonstances, fut, de leur part, le résultat d’un plan conçu d’ensemble et méthodiquement réalisé.
L’organisation de l’exportation fut l’œuvre des banques, stimulées elles-mêmes et soutenues par l’Etat. Le cosmopolitisme financier, l’internationalisme de l’argent n’ont pas empêché les banques allemandes de travailler avant tout dans un intérêt patriotique. Les capitaux étant rares, la nécessité s’imposait de ne les employer qu’à bon escient et d’en tirer le meilleur parti possible pour favoriser l’essor de la production nationale. Tandis