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que, pour d’autres, l’abondance des capitaux est souvent un avantage plus apparent que réel, leur rareté fut, à certains égards, une condition favorable à l’expansion allemande. Avec le même capital, les mêmes hommes créèrent des banques, puis des industries auxquelles les banques fournissaient leur mise de fonds et qui, à leur tour, apportaient aux banques des affaires. Banques et usines s’associèrent pour obtenir à l’étranger des entreprises, des concessions, des commandes, s’assurer des marchés, faciliter l’exportation en fondant des compagnies de navigation. Un tel système peut avoir de graves inconvéniens ; il rend les crises très dangereuses : celle de 1900 en est la preuve ; mais il a le grand avantage de créer des débouchés et de faire naître des affaires ; il rend tous les rouages de la vie économique du pays directement solidaires, intéressés au succès les uns des autres ; il permet à certaines entreprises de se passer de bénéfices, pourvu qu’elles coopèrent à la prospérité des autres qui, finalement, assurera aussi la leur.

Ainsi les banques ont été les véritables inspiratrices de l’expansion économique et coloniale allemande. En Orient, tandis que l’influence économique française est représentée, parfois brillamment, par des individualités sans liens, sans soutien, sans unité de direction, les banquiers, les industriels, les commerçans, les armateurs allemands marchent étroitement unis et puissamment secondés par l’action de l’Etat. Nos banques, sauf de rares exceptions, s’occupent des affaires déjà existantes et attendent tranquillement qu’on leur propose de s’intéresser à des entreprises nouvelles ; les banques allemandes, elles, les créent pour pouvoir en vivre. Elles participent aux emprunts étrangers pour avoir part aux commandes industrielles qui en résultent ; elles accaparent au dehors certaines industries, par exemple l’exploitation des pétroles roumains. En fondant au loin des affaires, elles ont beaucoup moins en vue de mener à bonne fin une entreprise unique et d’en tirer un certain bénéfice que de conquérir un « territoire économique » déterminé : aussi les voit-on choisir leur champ d’action et s’y tenir. C’est ainsi que le Venezuela, le Chantoung, l’Asie turque ont attiré l’attention et les efforts des banques allemandes et du gouvernement de Berlin ; mais le Venezuela est mauvais payeur ; au Chantoung, le nationalisme chinois devient inquiétant ; c’est donc vers l’Anatolie, la Syrie, la Mésopotamie que se tournent