Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tels sont les faits : il serait un peu naïf de s’en indigner, mais il convient de les constater. En présence d’une évolution si caractéristique de la politique italienne en Orient, on reconnaîtra, du moins, que le moment était étrangement choisi pour écrire : « En réalité, nous n’avons que les ennuis du Protectorat. Il ne faut donc pas s’étonner qu’aucune grande puissance ne songe ni à nous en dépouiller, ni à s’en emparer le jour où nous l’abandonnerions spontanément. » C’est M. de Lanessan qui a commis cette phrase dans un livre récent où il a accumulé, avec quelque ingénuité, les preuves de son ignorance des choses de l’Orient[1]. Combien il voyait plus juste et plus loin que M. de Lanessan ou que M. Combes, dans ses articles de la Neue Freie Presse, ce prophète qui s’appelait P.-J. Proudhon quand il écrivait en 1861 : « Ce que rêvent les Italiens, pleins de leurs grandioses et dramatiques souvenirs, c’est, au point de vue politique, de faire de l’Italie une sixième grande puissance ; au point de vue religieux, après avoir subordonné la Papauté au royaume, de conférer à celui-ci le protectorat de la catholicité[2] ! » La première partie de la prédiction a achevé de s’accomplir en 1870 ; la monarchie de Savoie poursuit aujourd’hui la réalisation de la seconde ; retardée parfois, comme en ces derniers mois, par les manifestations bruyantes de l’anticléricalisme italien, mais singulièrement favorisée par notre gouvernement radical. L’histoire de l’expansion européenne au dernier siècle montre qu’il y a incompatibilité profonde entre les luttes religieuses au dedans et le rayonnement au dehors. La fin du Culturkampf en Allemagne coïncide avec le début de l’essor industriel, commercial et colonial de ce pays ; l’Italie d’aujourd’hui cherche à préluder à ses progrès dans la Méditerranée par une conciliation entre les deux pouvoirs.


IV

L’essor de l’influence et du commerce allemand dans l’Empire ottoman, le développement rapide des intérêts italiens, les méthodes inédites inaugurées dans la concurrence internationale, c’est le tableau nouveau qui attire et retient l’attention de

  1. Les Missions et leur protectorat (Alcan, 1907).
  2. La Fédération et l’Unité en Italie, dans Œuvres complètes, t. XVI, p. 173. Paris, Librairie internationale, 1868, in-12.