Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais où ? il n’en sait rien lui-même. A mesure qu’il réfléchit, comme il dit, plus mûrement et qu’il fait une fois encore le tour de la question, il découvre des difficultés nouvelles qu’il signale loyalement, mais qu’il ne résout pas

Et voici enfin le point le plus intéressant, sinon le plus important de sa lettre, celui qui a amené toute une série d’incidens qu’il nous reste à raconter. Il s’agissait toujours de l’impôt foncier sur les propriétés non bâties. Tout le monde sait que le cadastre, vieux d’un siècle, contient et consacre des inégalités très choquantes. On a toujours reculé devant sa réfection à cause du temps et de l’argent qu’il y faudrait employer ; mais au moment d’établir un impôt parfait, idéal, destiné à réaliser définitivement la justice sociale et, par conséquent, à supprimer toutes les inégalités d’autrefois, ne fallait-il pas, avant de les taxer, évaluer les revenus fonciers sur une base plus exacte et plus équitable ? Ici, nous laissons la parole à M. Caillaux. « Il ressort, dit-il, des enquêtes que le temps nécessaire à la nouvelle évaluation dépassera sensiblement le temps primitivement prévu. On ne saurait, en effet, compter moins de quinze jours par commune, et, même en faisant fond sur la collaboration des percepteurs qui sera indispensable, même en donnant aux opérations toute l’impulsion et toute l’intensité possibles, il semble à mes services fort difficile de mener l’œuvre à bonne fin en moins de trois années. Quoi qu’il en soit, nous pensons, avec la plupart des directeurs, qu’on ne saurait amorcer, trop tôt le vaste travail de la révision des évaluations foncières qui, tout en pouvant être considérée comme une œuvre distincte et indépendante de l’impôt sur le revenu, y est cependant liée. Nous avons donc l’intention de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi qui ordonnera une nouvelle évaluation. »

En entendant cette lecture, M. Jaurès a bondi d’indignation. — Faudra-t-il donc, a-t-il demandé, attendre que la nouvelle évaluation soit terminée, pour appliquer l’impôt sur le revenu ? D’après la déclaration de M. le ministre des Finances, trois ans s’écouleront avant que cette opération soit finie, et qui sait même s’il n’en faudra pas davantage, malgré le dévouement des percepteurs ? A supposer que le projet annoncé par M. Caillaux soit voté dans le premier semestre de 1908, et il n’est pas vraisemblable que nos deux Chambres puissent aller plus vite, le fonctionnement de la réforme serait renvoyé au milieu de l’année 1911. À ce moment la Chambre actuelle aura déjà été appelée à rendre des comptes aux électeurs : que pourra-t-elle leur dire pour justifier ou pour excuser la faillite fiscale dont