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la responsabilité pèsera sur elle ? — M. Jaurès a dû parler sur le ton qui lui est habituel, et qui fait trembler certains ministres. On aurait pu croire que son autorité était sensiblement diminuée après les incidens que tout le monde connaît et qu’il est dès lors inutile de rappeler. On aurait pu espérer qu’il avait laissé à Nancy, et surtout à Stuttgart, une partie notable de l’influence néfaste qu’il a employée à désorganiser l’une après l’autre toutes les forces vives de notre pays. Mais non : il lui a suffi d’agiter sa férule pour que M. Caillaux rentrât dans le devoir, comme un écolier qui, ayant voulu s’émanciper, n’en a pas eu l’énergie. M. Caillaux, parlant au nom du gouvernement, avait annoncé le dépôt immédiat d’un projet de loi destiné à modifier les évaluations foncières, et la discussion de ce projet, qu’il déclarait bé à l’impôt sur le revenu, devait précéder celle de cet impôt. — Point du tout, s’est écrié M. Jaurès : l’impôt sur le revenu viendra d’abord, et le projet sur les évaluations foncières viendra ensuite. — M. le ministre des Finances aurait pu dire qu’avant de frapper les revenus d’un ordre quelconque, il fallait les reconnaître et les déterminer ; il n’en a rien fait ; il s’est incliné devant l’opinion de M. Jaurès, il s’y est rallié, et la Commission de législation fiscale, voyant d’accord deux aussi grands augures, a opiné du bonnet dans le même sens qu’eux. Mais que fera la Chambre ? Quant à savoir ce que le gouvernement a pensé de ce tour de passe-passe, rien n’est plus malaisé. Nous avons été mis, dans la même soirée, en présence de deux notes contradictoires, dont l’une semble émaner de la présidence du Conseil, et l’autre du ministère des Finances. L’exégèse est impuissante à débrouiller ces textes et à y découvrir la vérité.

La première note, après avoir rappelé la décision prise par la Commission de législation fiscale d’ajourner l’examen du projet relatif à la révision des revenus fonciers jusqu’après le vote de l’impôt su : le revenu, continue ainsi : « Le ministre des Finances, qui avait demandé au début le vote préalable de la révision des revenus fonciers, s’était ensuite rallié à l’avis de la Commission. Le Conseil des ministres, après examen de la question, a décidé que le ministre des Finances déposerait lundi (11 novembre) à la Chambre son projet spécial sur les revenus fonciers, et en demanderait la discussion immédiatement après le vote du budget de 1908. » Rien de plus clair que cette rédaction : elle signifie que le Conseil des ministres n’a pas suivi M. Caillaux dans sa volte-face inopinée et qu’il l’a ramené dans le droit chemin. Mais une seconde note, aussi officieuse que la première, n’a pas tardé à être communiquée aux journaux. « Il est inexact,