Il ne laissait personne derrière lui pour défendre sa mémoire. Les partisans des deux Roses s’étaient réunis autour de Richmond qui allait régner sous le nom de Henry VII, un Lancastre douteux et de la main gauche, mais enfin un Lancastre qui, en épousant Elisabeth, fille d’Edouard IV, avait assumé les prétentions de la maison d’York. Fabriqua-t-on, alors, de toutes pièces, une légende d’infamie au vaincu de Bosworth ? Ou se contenta-t-on, simplement, de mettre dans tout leur jour les faits qui l’accusaient en les aggravant et les amplifiant ? C’est ce que je chercherai à établir d’une manière précise. Mais ce qu’il importe de dire, dès à présent, c’est qu’aux premiers pas dans cette investigation, on doit constater que les documens ont été falsifiés, l’histoire partiale ou subornée. Toute la procédure parlementaire qui avait abouti à la déposition d’Edouard V comme bâtard a été supprimée, nous dirons tout à l’heure dans quelle intention d’égoïsme dynastique. Quant à l’histoire, dans quelles mains est-elle ? Je laisse de côté Polydor Virgil, un étranger, une créature des Borgia, dont le témoignage est suspect, car il ne peut avoir été renseigné que par la rumeur populaire ou par des confidences intéressées. J’aurais plus de confiance dans l’indépendance et la véracité du moine qui a rédigé la chronique de Croyland. Il était en situation de connaître certains secrets d’Etat. Et pourtant, il n’affirme rien et semble parler par ouï-dire. Mais voici un récit qui se présente avec l’autorité attachée au nom du chancelier Thomas More. Ce n’est pas le lieu de discuter la valeur intellectuelle et morale de ce personnage. Je crois qu’il y a beaucoup à rabattre de l’admiration qu’il est d’usage de lui accorder. Mais il n’importe. Quand nous lisons Thomas More, ce n’est pas lui, en réalité, qui dépose devant nous, mais son patron, son maître, le protecteur et l’ami de sa jeunesse, le cardinal Morton, archevêque de Canterbury, qui avait été un des témoins et un des acteurs de la révolution de 1485.
Évêque d’Ely à l’avènement de Richard et membre de son conseil privé, Morton assistait à la fameuse séance où le roi accusa Hastings de conspirer contre sa vie avec sa maîtresse Jane Shore et le fit exécuter immédiatement. Interné dans la maison du duc de Buckingham, Morton s’empara de l’esprit de son gardien et l’excita à la révolte. Par là il eut une influence considérable sur les événemens qui se succédèrent en 1484 et 1485. Ce qui prouve l’importance des services rendus par Morton à la cause du