Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour cette terre d’ailleurs il ne mourait pas tout entier. Il laissait en effet à ceux qui l’ont connu et aimé un souvenir impérissable de droiture, de courage et de bonté ; à ceux qui l’ont lu et médité, un souvenir de talent, de vaillance, de perspicacité, de clarté et d’honneur. A la jeunesse cultivée de son pays et de son temps, aux Tarnowski, aux Wodzicki, aux Lubomirski et à combien d’autres, — sur lesquels il a eu la plus grande et la plus précieuse influence pendant les années d’exil, — il a donné des leçons et des conseils empreints au plus haut degré de libéralisme, de loyalisme et de sagesse pratique.

Klaczko a écrit en allemand, en polonais, en français. C’est dans ces deux dernières langues surtout qu’il s’est révélé un maître. « La langue polonaise de Klaczko, a dit Tarnowski, est telle que fort peu d’écrivains peuvent lui être comparés… Aussi, est-il devenu en Pologne un écrivain classique. » Quant à ses livres français, j’en ai assez dit, et ses lecteurs en savent assez pour attester que « t’était un remarquable écrivain et un véritable penseur. A l’étendue et à la diversité étonnantes de ses facultés, à sa fine et pénétrante intuition, au talent si rare de pouvoir juger aussi bien un Dante qu’un Bismarck, un Michel-Ange qu’un Jules II, un Miçkiewicz qu’un Gortchakof, sans être jamais inférieur à sa tâche, passant avec une égale facilité et un savoir aussi parfait de la poésie à la politique, et de l’art à la diplomatie, Klaczko joignait à tous ces avantages un esprit délicat et vif, se dissimulant par instans sous une sorte de bonhomie, ou tout à fait caustique, et alors terrible et sans pitié. Tous ces dons procédaient en grande partie d’une culture aussi vaste que profonde, d’un jugement original, d’un caractère ferme et indépendant.

Si la Pologne, sa patrie, le considère à juste titre comme un de ceux qui l’ont passionnément aimée, soutenue et honorée, la France, sa seconde patrie, n’oubliera jamais que, dans ses jours d’infortune, elle a trouvé en Julian Klaczko le plus éloquent, le plus généreux et le plus déterminé de ses défenseurs.


HENRI WELSCHINGER.