domestiques : celles qui sont en contact avec nous, qui nous rendent des services immédiats, journaliers et visibles, qui nous frôlent, qu’on caresse, qui jappent, qui ronronnent autour de nous et parfois nous incommodent de leurs lubies. Comme nous ne voyons pas les autres, quels que soient les services qu’elles nous rendent, il nous est bien indifférent qu’elles soient ou non gracieuses. Qui s’est jamais soucié de la laideur d’une fraiseuse ou d’un gazogène ? Le problème se pose donc seulement à propos de ces machines, — peu nombreuses comme espèces, mais innombrables comme individus, — qui s’insinuent dans le décor de notre existence journalière, et, par leurs mille, apparitions répétées, nous obligent à réfléchir sur notre souffrance de la laideur qu’elles exaspèrent ou, d’aventure, si elle la charme, sur notre sensation de la beauté. Or, parmi elles, en effet, nulle ne joue plus souvent ce rôle que l’Automobile.
Le second point est de savoir, quand on parle d’un automobile, de quoi l’on parle : de son dedans ou de son dehors, de ses organes internes, que l’œil n’aperçoit que comme il aperçoit ceux de l’homme, dans le cas d’une opération, ou bien de sa silhouette visible. Car ce sont deux choses fort différentes et l’une n’influe sur l’autre que dans une mesure très limitée. Sur le châssis qu’on veut, on pose la carrosserie qu’on préfère. Les plus grandes différences qui soient dans la construction interne d’un automobile, dans la transmission, dans la suspension, dans les engrenages, ne se révèlent par aucune ligne décisive au dehors. La seule retouche nécessaire que la science ajoute à la silhouette d’une voiture, lorsque cette voiture est automobile, c’est le « capot. » Et la forme du « capot » ou sa silhouette, n’est point modifiée par les différences profondes des organes qu’il dissimule. C’est une carapace qui se pose sur tout ce qu’on veut. Il s’évase et s’arrondit comme une bouche ouverte en O si le radiateur est placé devant le moteur : il s’infléchit et se recourbe comme un bec si le radiateur est placé derrière le moteur ou au-dessous et, dans ce dernier cas, comme le bec de l’ornithorynque. Voilà le seul point de dissemblance nécessaire. Tout le reste n’est que fantaisie.
Ne parlons donc pas de la beauté ou de la laideur de ces organes internes que nous ne voyons pas et qui ne se révèlent à nous par rien dans l’automobile, non plus que nous ne parlons des viscères ou des ganglions du corps humain quand une