statue ou un athlète nous inspire un sentiment d’admiration.
Enfin, ce sentiment même, ne le confondons pas avec tel autre qui n’a rien de commun avec lui, comme celui de l’utile, par exemple, ou du confortable. L’objet utile est un serviteur, le Beau est un maître. La satisfaction et même la gratitude que nous pouvons éprouver en voyant l’un estime chose ; l’enthousiasme désintéressé, l’intensité et la plénitude de vie que nous ressentons à la vue du Beau est une autre chose. Et comme on ne peut mesurer ou même reconnaître la Beauté qu’à la nature du sentiment qu’elle nous inspire, c’est à ce sentiment désintéressé, qui n’a rien à faire avec l’utile que nous reconnaîtrons si l’automobile est « beau. »
Or, si nous considérons sa fonction nécessaire et ses formes rigoureusement dictées par le calcul, que voyons-nous ? Une collection de grosses bouteilles ou de bidons grisâtres, reliées les unes aux autres et enchevêtrées d’un étincelant macaroni d’acier ou de cuivre. L’ingénieur considère cet organisme avec plaisir et parfois avec tendresse. C’est son enfant. Il le trouve « beau, » et l’impropriété du terme peut nous donner le change sur l’analogie de l’impression. Mais il regarderait du même œil attendri une ligne de signes algébriques qui lui montrerait, sous forme d’équation, la solution d’un problème difficile. C’est le signe visible qu’une difficulté a été vaincue. La jouissance qu’il éprouve est tout intellectuelle : il pourrait l’éprouver sans que ses sens perçoivent rien, grâce à une description raisonnée, et si l’organisme d’acier lui paraît « beau, » c’est dans le même sens que la solution lui paraît « élégante, » c’est-à-dire parce qu’il résout le problème posé ou rend le service voulu avec le minimum d’efforts, de frottemens, de pertes et qu’il vit le plus longtemps de sa vie propre sans une intervention de l’homme. N’ayant, pas d’autre mot pour exprimer son admiration, il dit : « Cette machine est belle, » sans le moins du monde songer à confronter l’impression qu’il en ressent avec l’émotion que lui donne un frissonnant paysage ou une fière statue, — non plus qu’un économiste ne songe à quelque spectacle maritime lorsque, étudiant la situation du trésor, il vient à parler de la « dette flottante ! » II » ne faut point tirer avantage de ces métaphores pour construire des systèmes esthétiques où les impressions les plus diverses et les facultés les plus dissemblables de notre nature sont brouillées avec sérénité. Parce que tel dira : « J’aime les petits pois, »