Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/681

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

divorcés, par exemple). En Belgique, on compte les infractions individuelles : et ainsi un homme qui a commis, dans le courant d’une même année, dix délits, a beau n’en rendre compte à la justice qu’en une seule comparution, il grossit le total criminel de son pays de dix unités. En. France, jusqu’à cette heure, l’homme jugé ne figurait que pour le nombre de jugemens rendus contre lui ; et, pour chacun de ces jugemens, on n’inscrivait que le plus grave des délits frappés. Un assassin passait en Cour d’assises : il était accusé en même temps d’escroqueries, de vols, de fausse monnaie, d’incendie : la statistique l’enregistrait comme assassin, et toutes ses autres infractions disparaissaient des statistiques[1].

Ce système pouvait, à la rigueur, faire valoir quelques raisons spécieuses. Qu’un criminel ait commis un seul crime ou plusieurs, ce n’est jamais, dira-t-on, qu’un membre de la collectivité de compromis, et cela ne présage rien contre les autres. Peut-être ! Mais on est en droit de répliquer : il y a toujours intérêt à connaître la vérité tout entière.

En premier lieu, il y a un intérêt tout particulier à savoir, par le nombre des infractions individuelles, si tel individu, compté comme une unité correspondante à l’unité du jugement décisif, n’était porté, — entraîné, disent certains théoriciens, — que vers un genre de méfait déterminé, ou si son acte le plus grave n’a été qu’un épisode dans une existence vouée à tous les désordres et à tous les genres de méfait, selon les occasions.

En second lieu, il est utile pour une société de savoir à quel point les méthodes de surveillance et de répression laissent à un malfaiteur le loisir de perpétrer à la suite les uns des autres toute une variété de délits plus ou moins dangereux. Instruits par ce surcroît de documentation, les rédacteurs de la statistique peuvent prouver ce dont on se doutait déjà, c’est-à-dire que les incendiaires, par exemple, débutent presque tous par la mendicité, le vagabondage et le vol.

Enfin, ceci doit calmer tout scrupule, ce calcul même, — s’il est fait comme il doit l’être, — donne seul les moyens de mettre en

  1. A partir de 1905, le chef si méritant de la statistique criminelle française, M. Maurice Yvernès, digne héritier de la science et des traditions paternelles, modifie ces méthodes. Il va mettre les comptes criminels mieux à même de refléter le mouvement complet de la criminalité de notre pays. Mais les comparaisons que le tableau de 1905 et les suivans seront de nature à permettre ne pourront avoir toute leur valeur qu’après une série d’années un peu prolongée.