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manquent également sur bien des faits sociaux qui, — nous pouvons aujourd’hui nous en rendre compte, — sont liés d’ordinaire au mouvement du crime. Nous avons de remarquables travaux sur les variations des prix, sur la densité de la population, sur les relations mutuelles des petits et des gros propriétaires. Mais établir toutes ces données avec des chiffres, comme le permettent les statistiques d’aujourd’hui, est impossible. Aussi, dans nos conjectures, qui varient beaucoup d’école à école, de parti politique à parti politique, serait-il plus sûr de remonter du présent au passé que de descendre du passé au présent. Par exemple, l’étude du présent nous montre qu’à peu près partout l’émigration des campagnes aux villes, l’augmentation de la population urbaine au détriment de la population rurale est accompagnée d’un accroissement de criminalité. Ne pouvons-nous en induire que, quand l’excédent de la population des campagnes était plus considérable, le crime était plus rare ? Mais cette donnée même est mêlée à tant d’autres, que le plus sage est finalement de s’abstenir.

Il en est autrement depuis bientôt cent ans, en France tout au moins ; non pas que tout y soit parfaitement clair et qu’on puisse lire les statistiques judiciaires avec autant de facilité que le cours de la Bourse complété par le prix de l’hectolitre de blé, le taux de l’escompte et celui du change. Il serait fort tentant d’établir des comparaisons de pays à pays et de dégager les lois de la criminalité européenne, en attendant qu’on trouve celles de la criminalité mondiale. On y doit tendre et on y arrivera probablement. Peut-être même peut-on entrevoir dès à présent quelques-unes de ces lois, — tout en se souvenant que le mot « loi » appliqué aux phénomènes humains et sociaux ne peut avoir absolument le même sens, la même portée que quand il s’applique aux mouvemens des corps inertes. — Mais quelles précautions ne faut-il pas prendre ici ! En tel pays l’excès de densité de la population verra ses inconvéniens diminués par une excellente organisation judiciaire et par la vigilance des associations privées. Ailleurs, le peu de densité de cette population sera compensé par des conditions toutes contraires ou par d’autres misères. Les modes d’appréciation, les méthodes de numération diffèrent : peu d’Etats comprennent la récidive de la même manière que leurs voisins. Tel peuple s’habitue à confondre ce qu’il y aurait intérêt à distinguer (les veufs et les