D’abord, il ne faut pas fermer les yeux systématiquement sur la réalité des méfaits qu’on essaie de guérir par un traitement plus doux. De ce que mille ou deux mille petits voleurs auront bénéficié d’une indulgence à coup sûr bien compréhensible, il ne faut pas oublier que les vols ont été réellement commis. Il importe toujours de les noter pour que le bilan moral de la nation soit exact et les avertissemens complets.
Il n’est pas moins nécessaire que radoucissement ne se transforme pas en énervement et que les poursuites inévitables ne soient pas rendues par trop difficiles par les conditions que l’administration supérieure de la justice impose à ses agens.
Il faut enfin que, si on réduit le rôle de la répression, celui de la charité préventive ou réparatrice ne soit pas en même temps paralysé par les coups portés à la vie et à la liberté des œuvres. Ces difficultés ont-elles été résolues de manière à nous laisser une notion nette des données actuelles du problème ? A partir de 1896 et dans la petite période qui a suivi, y a-t-il eu un vrai ralentissement du mouvement du crime ? Je réponds : oui, en partie, et oui momentanément.
Oui, en partie ; car on ne peut nier que, de 1896 à 1900, le nombre des actes de violence et celui des actes de cupidité n’aient quelque peu diminué. Même en tenant compte des délits certains, mais restés impunis par impossibilité d’en découvrir les auteurs, la diminution, quoique très éloignée d’être ce qu’elle paraît dans certaines statistiques[1], n’en était pas moins réelle. Elle pouvait même prendre une importance et une valeur rassurante pour qui suivait une autre diminution, celle des suicides. Ici, en effet, apparaissait un symptôme qui était bien de nature, — s’il eût persisté, — à vaincre les scrupules de ceux à qui l’on reproche leur peu d’optimisme.
Le suicide est-il un crime ? Je ne parle ici, bien entendu, qu’au point de vue tout humain, naturel et social. Oui, disent les uns, car il atteste un fâcheux mépris de la vie humaine, la désertion ou l’oubli des devoirs de la société, et une disposition redoutable à employer des moyens violens. Non, disent les autres, et non seulement il n’est pas un affluent, mais il est un dérivatif du crime, car celui qui, en face de douleurs ou de difficultés dont il ne peut venir à bout normalement, aime mieux se
- ↑ Dans celles où ne comptent que les délits jugés, non les délits signalés.