Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/687

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuer que d’en tuer un autre, est, à un certain point de vue, le contraire d’un criminel[1].

Cette partie du problème est très complexe. Sans doute il y a des natures énervées, découragées, impuissantes, qui aimeront mieux abandonner définitivement la lutte que d’y risquer de frapper autrui. Mais combien de ces tristesses inoffensives en apparence se laisseront aller tout d’abord à chercher des consolations dans des caresses ou des promesses également dangereuses, parce qu’elles sont également trop habiles à dissimuler pour un temps leurs conséquences : caresses de femmes, promesses de charlatans, d’exploiteurs, de monteurs d’affaires. Que de fois les uns et les autres ballotteront leurs dupes d’expédient en expédient et ne les laisseront succomber au désespoir qu’après avoir fait des uns ou des autres les auteurs ou les complices d’un vrai crime ! Puis, combien n’y a-t-il pas de révoltés qui, après avoir hésité entre les deux solutions, les réalisent l’une après l’autre ! Combien ne voyons-nous pas de ces jaloux et de ces emportés qui commencent par tuer et qui, aussitôt après, dirigent contre eux la balle qui leur reste, afin d’échapper aux travaux forcés ou à l’échafaud ! Il y a encore, nous le savons tous, des suicides causés uniquement par l’abandon, par le remords, par des désordres physiologiques dus à des habitudes alcooliques. Mais chacune de ces formes de la défaillance ne côtoie-t-elle pas le délit proprement dit ? Ne suppose-t-elle pas des suggestions coupables communiquées et acceptées ? Le suicide est donc un indice à suivre très attentivement de l’état pathologique d’une nation. La diminution qu’il accusait un instant après la diminution discutée dans les crimes et délits de violence, de cupidité, de vagabondage, était peut-être le plus significatif de tous et le plus rassurant… s’il eût persisté. On avait en effet le droit de dire : Est-ce que la misère n’a pas diminué ? Est-ce que les œuvres de charité intelligente n’ont pas dû avoir les résultats attendus ? Est-ce que des milliers de miséreux et de misérables n’ont pas accepté à temps la main secourable qui se tendait vers eux ? Et n’est-ce pas pour tout le monde un devoir de s’en réjouir ?

Soit ! mais à côté de la diminution réelle, il y a eu dans de plus larges proportions une diminution factice.

En ce qui concerne les mineurs, j’ai dit comment il y en avait

  1. Sur toutes ces assertions contradictoires, voyez le Crime, Paris, L. Cerf, 1 vol. in-12.