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abandonnées par impossibilité de trouver les auteurs 8 303, ce qui donne une proportion de 63 p. 100. »

Ceci est, je pense, assez clair. Eh bien ! aujourd’hui le fils de l’éminent statisticien peut suivre à son tour l’ascension, car les tableaux qu’il centralise lui donnent 71 p. 100 de faits qualifiés crimes, dont les auteurs échappent aux investigations de la police et aux atteintes de la justice.

Veut-on considérer un méfait particulier, le vol qualifié ? C’est assurément l’un des plus graves. Il comprend les innombrables cambriolages au cours desquels les hôtes accidentels ou attardés d’une villa qu’on dévalise en hiver ou d’un appartement cru inhabité risquent bien d’être mis hors d’état, de résister d’abord, et ensuite d’apporter leur témoignage. Or, dès 1890, la même autorité constatait que les neuf dixièmes de ces criminels étaient réclamés en vain par la Cour d’assises. On voit si les optimistes ont le droit de dire que seuls les auteurs des petites infractions demeurent inconnus.

Ces mêmes apologistes ont une autre explication à mettre en avant. Ils prétendent que si les plaintes, dénonciations et procès-verbaux augmentent tant, c’est que l’esprit de plainte s’est développé ; c’est surtout que, quand on est par malheur impuissant à se faire payer d’un débiteur, on trouve plus simple de déposer une plainte en abus de dépôt, abus de confiance ou escroquerie. De là, dit-on, l’augmentation effectuée sous cette dernière rubrique : elle est même si considérable qu’il est difficile de ne pas la tenir pour artificielle en très grande partie ; elle doit être due aux calculs intéressés de créanciers jugeant que l’action pénale sera plus intimidante et qu’elle satisfera mieux et à moins de frais leur ressentiment. « Il y a des plaignans, a dit un juge d’instruction, qui nous prennent pour des agens de recouvrement. »

Que de pareils cas se présentent, — surtout chez les naïfs trompés pour la première fois, — rien de plus vraisemblable, et il faut croire ceux qui nous l’affirment. Mais qu’ils soient assez nombreux pour expliquer seuls l’accroissement du nombre des plaintes, c’est ce qui est tout à fait inadmissible. A côté des gens qui, dans un accès de colère, s’empressent de dénoncer un débiteur simplement insolvable ou d’une bonne foi douteuse, il y a ceux qui, plus instruits par l’expérience, plus réfléchis, redoutent, même quand ils sont victimes d’un vrai délit, de porter Une plainte. Ils savent ce qu’elle leur vaudra : d’abord l’ennui d’une