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entre les pensions du Roi et ce que rapportait l’apanage de Monsieur, d’une somme de plus de 1 200 000 livres, soit quatre ou cinq millions de notre monnaie. Leur situation financière ne tarda pas à s’agrandir encore par la naissance d’un fils, Alexandre-Louis, duc de Valois. L’enfant était venu au monde le 2 juin 1673. Le 28 octobre suivant, Louis XIV signait un acte ainsi conçu : « Nous avons à notre neveu le duc de Valois accordé et fait don, accordons et faisons don par ces présentes signées de notre main, de 150 000 livres de pension par chacun an[1]… » Le duc de Valois mourut le 16 mars 1676, tué par les médecins, criait Madame dans sa douleur, et avec de grandes apparences de raison ; mais il avait un frère, Philippe, duc de Chartres, né le 2 août 1674, qui hérita des 150 000 livres[2], et celui-là vécut : ce fut le Régent.

À ces revenus officiels venait s’ajouter une juste part de la pluie d’or que le Roi éparpillait sur sa Cour et qui faisait dire à Mme de Sévigné, dans un passage fameux où elle résume en quatre lignes tout un système de gouvernement : « Le Roi fait des libéralités immenses… ; quoiqu’on ne soit pas son valet de chambre, il peut arriver qu’en fesant sa cour, on se trouvera sous ce qu’il jette. Ce qui est certain, c’est que loin de lui tous les services sont perdus, c’était autrefois le contraire[3]. » On aimerait à pouvoir calculer le chiffre des « libéralités » de Louis XIV. Quiconque a feuilleté le Journal de Dangeau, ou les Mémoires du marquis de Sourches, a été frappé de l’abondance monotone, tout du long de l’année, des mentions de ce genre : « Le Roi a donné au comte de Roye 9 000 francs de gratification, et 4 000 au comte de Rebenac… Le Roi donna 500 écus de pension à Vertillac… M. de Frontenac eut 3 500 francs du Roi par gratification… Le Roi (a) donné à Mme la princesse d’Harcourt une pension de 2 000 écus… Le Roi a donné (à M. de la Chaise) 100 000 francs pour lui aider à payer sa (charge)… Le Roi a donné à Mme la comtesse de Beuvron 4 000 francs de pension… Le Roi a donné à Mlle d’Aumale… 40 000 livres en fonds et 2 000 livres de pension… » Ainsi de suite ; il faut que la France soit aux abois, et l’argent introuvable, pour que Louis XIV renonce momentanément à être pour ses sujets l’incarnation

  1. Archives nationales, K. 542.
  2. Par lettres patentes du 28 mars 1676.
  3. Lettre du 12 janvier 1680.