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arrivée en surprise. Les choses se passèrent moins tragiquement.

« Sa Dilection » voyageait incognito. Le 22 août, vers la fin de l’après-midi, les trois carrosses portant « Madame d’Osnabruck » et sa suite parurent en vue de Maubuisson. Depuis si longtemps que l’on cheminait, chacun se sentait très sale : « J’étais toute couverte de poussière, dans un habit qui avait servi tout le voyage[1] ; » mais l’on s’attendait à ne voir personne ce premier soir, que l’abbesse et ses religieuses, et grand fut l’émoi d’apprendre que Monsieur et Madame se trouvaient au couvent, avec Mademoiselle et « toute leur cour. » Il y eut quelque désarroi parmi les dames à l’idée d’être vues de Monsieur dans l’état où elles étaient, mais il fut impossible de l’éviter : « Comme nous entrâmes dans la basse-cour, je vis Mme la duchesse d’Orléans courir de toute sa force,… en sautant à son ordinaire,… et Mademoiselle après elle, pour me venir recevoir… La bonne princesse en m’embrassant pleura de joie de me revoir et me tenait toujours entre ses bras. Elle ne me quitta qu’un moment pour me donner le temps de saluer Mademoiselle, pendant qu’elle baisa fort tendrement Mme de Harling… Après cela, elle me reprit… »

Monsieur attendait avec l’abbesse à la porte du couvent. « Mme d’Osnabruck » fut frappée de sa haute mine : « C’est un beau prince, très bien fait, qui a fort l’air de ce qu’il est… (II) me fit un accueil le plus obligeant du monde, et vivait avec moi comme s’il m’eût connue toute sa vie. Pendant que j’embrassais ma sœur, il monta dans le parloir avec Mademoiselle sa fille, et je suivis quelque temps après avec Madame, qui me tenait toujours embrassée du côté du cœur. » On bavarda, on tira des plans pour le lendemain, et Monsieur s’en retourna à Paris avec « la reine d’Espagne ; Madame demeura ici, et perdit une chasse qu’elle devait faire avec le Roi ; c’étaient deux marques d’amitié pour moi, car elle hait fort le couvent… Je la trouve engraissée et d’une humeur la plus agréable du monde ; son habit de chasse lui va mieux que les autres ; car elle n’aime pas trop à se mettre… d’une autre manière, quoiqu’on en fasse une affaire ici. »

Le lendemain fut la journée de Monsieur. On se retrouva au Palais-Royal, où il avait Fait étaler « dans une grande galerie… tous les habits de noces de Mademoiselle. » Monsieur en

  1. Pour toute cette partie, cf. les Mémoires de la duchesse Sophie, p. III et suivantes, et ses lettres à Charles-Louis, p. 371 et suivantes. Les deux récits se complètent l’un l’autre.