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ni d’après Saint-Simon, qui n’a connu Louis XIV qu’édenté et dévot. Le roi de 1679 était encore beau ; il savait dire aux femmes des choses parfaitement aimables, sa voix était prenante et il voulait plaire ; il plaisait.

On n’en saurait dire autant de la Reine, dont la bêtise décourageait les mieux disposés. Il avait été convenu que Mme d’Osnabruck l’irait voir dans son cabinet : « Monsieur m’y mena, et prit la chandelle pour me faire bien considérer les admirables pierreries dont elle était chargée. J’ôtai la chandelle des mains de Monsieur, pour bien considérer celle qui les portait, par devant et par derrière. » La bonne Reine lui montrait ses pierreries en disant : « Il faut regarder là, » et ajoutait en montrant son visage : « Et non pas là. » Cependant elle se prêta avec complaisance à l’examen de toute sa personne une chandelle à la main, et n’en fut pas trop récompensée par le compte rendu : « Je lui trouvai une fort grande blancheur, et qu’elle était bien plus belle de près que de loin. Car sa taille n’était pas avantageuse, son des avait trop d’embonpoint, et elle avait le col trop court, ce qui la rendait engoncée. Sa bouche était vermeille, mais ses dents étaient toutes noires et gâtées. » La conversation s’engagea sur la France, et Marie-Thérèse parla du bonheur qu’elle y avait trouvé : « Le Roi m’aime tant, répétait-elle avec son à-propos accoutumé ; je lui suis si obligée. »

Le même jour, Mme d’Osnabruck alla « chez la belle reine d’Espagne. » Marie-Louise était à sa toilette, au milieu d’un cercle énorme de curieuses, et considérait avec mélancolie un portrait que Monsieur venait de lui remettre. C’était celui de son époux, et « il n’était pas beau. » La duchesse Sophie essaya de lui persuader que c’était la faute du peintre : « Oui, répandait la pauvre Majesté, mais savez-vous bien qu’on dit qu’il ressemble à ce vilain magot le duc de Wolfenbuttel ? » Le « vilain magot » était un prince allemand qui assistait aux fêtes de Fontainebleau et qui n’avait pas de succès. Mois qu’importe la personne dans un mariage princier ? La duchesse Sophie venait de faire la connaissance du Grand Dauphin et l’avait trouvé « insipide, » incapable de dire deux mots : elle n’en avait pas pour cela moins d’envie que sa fille fût reine de France.