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IV

Quand elle eut tout vu, le palais, les jardins, un feu d’artifice, un grand bal, la comédie française et la comédie italienne, le départ du Roi pour la chasse, avec Madame et dans une calèche qu’il menait lui-même, elle retourna à Maubuisson prendre un peu de repos. Elle emportait de la cour de France le souvenir d’un lieu extrêmement fatigant, à cause de la « foule épouvantable » qu’il y avait partout, du tapage que faisait cette foule, de la peine qu’on se donnait « pour se divertir » et du nombre extraordinaire des révérences : au Roi, à la Reine, à l’autel de la chapelle, à toute la famille royale, au monde entier et à toute heure du jour. Il lui semblait en outre, et elle voyait juste, que la situation faite à la noblesse française par la nouvelle royauté manquait de dignité ; elle écrivit à son frère : « La vie que les courtisans mènent ne serait pas mon fait ; leur nécessité les rend esclaves, et pour avoir une garniture[1] plus magnifique que son camarade, toutes les souplesses et lâchetés sont permises ; on brigue la faveur par mille intrigues pour nourrir la vanité. »

Monsieur et Madame avaient ramené la nouvelle reine à Saint-Cloud et organisaient son départ pour l’Espagne. La duchesse Sophie vint les rejoindre : « Notre entrée à Saint-Cloud fut assez extraordinaire, car le cocher nous versa devant la porte du palais. La reine d’Espagne, Monsieur, Madame et Mademoiselle, avec toute la Cour, accoururent à notre secours, et Monsieur nous régala de pots de chambre, pour que l’épouvante ne ferait pas de mal. Madame de Mecklembourg[2] en avait plus besoin que les autres, car elle était plus effrayée. » L’accident n’eut pas d’autres suites, et Monsieur se mit en devoir de montrer Saint-Cloud à sa tante : «… Son palais… est beau et magnifique. Quasi tous les appartemens répondent au plus beau jardin du monde, tout orné de fontaines et de cascades, ce qui fait un très bel effet. Sa galerie est admirable et très bien entendue. J’ai vu dans un des cabinets votre portrait[3] de Van Dyck, très

  1. Il y avait les « garnitures » de rubans et les « garnitures » de pierreries Le lecteur peut choisir.
  2. Isabelle-Angélique, fille de François III de Montmorency, avait épousé le duc Chistian-Louis de Mecklembourg-Schwerin. Elle accompagnait la duchesse Sophie pendant son voyage de France.
  3. La duchesse Sophie écrivait à son frère Charles-Louis, le père de Madame.