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acquérir le plus grand nombre de titres possible, tremblent de ne pouvoir les réaliser assez vite et se précipitent à cet effet sur les marchés publics, créant eux-mêmes la terreur dont ils seront les premières victimes et cherchant à échanger au plus vite la marchandise dont ils se sont gorgés, c’est-à-dire le papier représentatif des parts d’intérêt ou des créances qu’ils ont naguère surpayé, contre la marchandise toujours et universellement demandée, parce qu’elle est toujours et universellement échangeable contre les autres, la monnaie.

L’humanité économique ne connaît pas l’équilibre parfait, c’est-à-dire l’état dans lequel la production et la consommation seraient égales l’une à l’autre, les marchandises et les services seraient offerts exactement dans la proportion demandée et aux endroits requis par ceux qui en ont besoin. Si même ces équations se réalisent pendant une seconde fugitive, la situation est aussitôt modifiée par les passions de l’homme, qui se précipite dans la voie où il croit trouver la fortune et qui ne tarde pas à exagérer la production des objets dont il voit la demande s’accroître. Inversement, lorsqu’il constate un ralentissement ou une cessation momentanée de cette demande, il perd courage et arrête, parfois à tort, une industrie dont la vitalité ne tardera pas à être démontrée par les faits subséquens. Ce sont là les motifs généraux et réguliers des déplacemens de prix. Ceux-ci sont essentiellement mobiles ; ils changent pour ainsi dire constamment ; en temps ordinaire, ces modifications sont lentes ; presque insensibles, pendant certaines périodes ; à d’autres époques au contraire elles deviennent violentes, déconcertent les prévisions et désorganisent les marchés ; c’est précisément ce qui constitue les crises : mais nous insistons sur ce fait que la hausse brutale constitue une crise au même titre que la baisse précipitée. Seulement, pour des raisons qu’il est assez facile d’analyser, les crises de hausse effraient moins que les autres et n’ont pas exercé au même degré la sagacité des commentateurs. Il n’en est pas moins vrai qu’elles procèdent de motifs analogues, et que, si on avait pris soin de mieux les étudier, on aurait sans doute préparé les esprits aux inévitables réactions et, par cela même, on en eût atténué la violence.

Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’on puisse espérer jamais les supprimer complètement. D’ailleurs, ce n’est pas à souhaiter ; à moins d’imaginer une Salente économique, dans laquelle tout