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serait parfaitement réglé, où chaque producteur vendrait à un prix uniforme la totalité de sa production et où chaque consommateur, c’est-à-dire l’universalité des hommes trouveraient à chaque minute à acheter, moyennant les ressources dont ils disposent, les choses qui leur sont nécessaires, on doit concevoir, dans le temps comme dans l’espace, des ruptures incessantes d’équilibre : ici la récolte est abondante, là règne la disette. Aujourd’hui, les mines de cuivre produisent plus de métal que les constructions de tuyaux ou les entreprises électriques n’en réclament ; hier elles ne paraissaient pas pouvoir en fournir assez, et l’activité des prospecteurs s’exerçait sur une foule de terrains miniers connus et inconnus dans l’espoir d’y découvrir de nouveaux filons. L’expérience du passé, de mieux en mieux comprise et de plus en plus profondément analysée, doit tendre à guider plus utilement les efforts de l’humanité, en ce qui concerne la succession des phénomènes dans le temps et à diminuer par conséquent l’amplitude des oscillations successives. La distribution des richesses à la surface du globe se fait chaque jour mieux, grâce au développement ininterrompu des moyens de transport et de communication entre les pays et les continens les plus éloignés les uns des autres : il en résulte que les écarts de prix de la même denrée ou de la même marchandise, à la même heure en deux points différens, tendent à diminuer sous l’empire de cette cause qui agit chaque jour avec plus de puissance. Il ne se produit pas, au début du XXe siècle, entre le cours du blé en Australie, en Californie, aux Indes, en Russie et en Beauce des différences comparables à celles que l’histoire a enregistrées à la fin du XVIIIe siècle, en France, entre le Languedoc et la Bretagne. L’élément perturbateur qui résultait de l’inégalité des saisons dans les diverses contrées ayant beaucoup de peine à communiquer entre elles, s’ignorant souvent les unes les autres, tend à disparaître.

Les écarts de prix au cours des années sont encore loin de fléchir dans la même proportion. Il est beaucoup plus difficile à l’homme de se souvenir et de prévoir que d’être informé de ce qui se passe à l’heure présente dans le monde. Les vues de la plupart des producteurs et des commerçans sont courtes, et alors même qu’ils se rendent compte de la périodicité des crises, ils n’ont pas souvent le moyen de conformer leur conduite à leurs prévisions. En matière agricole, il est évidemment malaisé de