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banques aux États-Unis est d’une importance vitale pour le pays. C’est une partie notable de sa fortune, le dixième environ, qu’il a ainsi remise à des dépositaires, dans la fidélité et la solidité desquels il est nécessaire qu’il ait une foi absolue. Dès lors, on juge de l’émoi que dut causer le fait que l’un d’eux, et non des moindres, était soupçonné. Le monde financier ne s’y méprit point. Les chefs des premières maisons, les directeurs des banques nationales les plus importantes, se réunirent en hâte et siégèrent pour ainsi dire en permanence : à maintes reprises ils convoquèrent les présidens d’un grand nombre d’établissemens pour conférer avec eux et le secrétaire d’État du Trésor, accouru de Washington dans la métropole commerciale et prêt à mettre les ressources de la Confédération au service de la communauté financière ébranlée dans ses fondemens. Le péril en effet était grand.

Les demandes de remboursement adressées à la Knickerbocker Trust ne pouvaient pas rester isolées. Elles s’étendirent d’abord à d’autres banques appartenant au même groupe, puis à l’ensemble de ces établissemens aux États-Unis, dans des proportions très variables, mais avec une soudaineté telle que de San-Francisco à New-York, de Chicago à la Nouvelle-Orléans, la gravité de la situation apparut à tous les yeux. Les banques, comprenant qu’il fallait à tout prix rassurer le public, en lui démontrant que ses dépôts ne couraient aucun risque, s’efforcèrent de secourir celles qui étaient le plus menacées. Une première avance de 50 millions de francs fut consentie au Knickerbocker Trust, dans l’espoir que ce montant suffirait ; mais il n’en fut rien et l’établissement dut fermer ses portes : il paraît d’ailleurs probable que les déposans ne subiront aucune perte et recevront peu à peu l’intégralité de leurs créances.

D’autres banques, assaillies également de demandes de remboursement, firent tête à l’orage : la Trust Company of America a remboursé 200 millions, la Lincoln Trust Company 75 millions de francs de dépôts. Toutes s’occupèrent avec une énergie extrême de réunir le plus de ressources liquides possible pour répondre aux exigences de leur clientèle, terrorisée par les nouvelles répandues à profusion dans la presse et la vue des files interminables de personnes de tout âge et de toute condition stationnant nuit et jour à la porte des banques pour arriver plus vite aux guichets du caissier. On ne raisonnait plus. Les