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Un des traits caractéristiques de la crise américaine actuelle a été le manque de monnaie ou plutôt la disparition momentanée de la monnaie. A un moment donné, les paiemens en espèces ont été suspendus dans la plupart des centres commerciaux ; dans beaucoup d’entre eux, le numéraire ne servait que d’appoint. Dans soixante-dix-sept villes circulent ces instrumens d’échange dont nous venons d’expliquer la genèse ; et le besoin en était tel qu’il a provoqué la création de chambres de compensation dans près d’une centaine de villes, alors que jusqu’ici douze seulement en étaient dotées. Ces chambres ont aussitôt mis en circulation des certificats créés tantôt seulement pour un montant nominal élevé comme à New-York, tantôt pour des sommes très faibles, lorsqu’ils étaient destinés à servir, non pas aux banques dans leurs rapports entre elles, mais au public qui les acceptait sans difficulté. La puissante corporation du pétrole, le Standard Oil Company, dut payer ses employés en chèques certifiés, c’est-à-dire revêtus au préalable du visa de la banque sur laquelle ils sont tirés. Seules les caisses publiques ont refusé de recevoir ces divers instrumens monétaires et n’ont voulu accepter que la monnaie légale.

C’est là un des principaux motifs de la prime qui s’est établie depuis quelques semaines sur l’or et les billets, qui s’est élevée un moment jusqu’à 5 pour 100 et qui, à l’heure où nous écrivons, oscille encore entre 1 et 2 pour 100. C’est ainsi que la Société américaine pour la raffinerie des sucres (American Sugar Refining Company) ayant dernièrement à retirer de la douane une « cargaison de sucre, dut retarder la prise en charge de deux ou trois jours, parce qu’elle ne disposait pas du numéraire nécessaire à l’acquittement des droits entre les mains des receveurs fédéraux.

Au contraire, il est surprenant de voir avec quelle facilité relative les transactions de détail se règlent au moyen de chèques. C’est ici qu’apparaît l’avantage d’avoir affaire à une population habituée de longue date à ce mode de paiement ; même en temps ordinaire, les trois quarts des échanges se liquident déjà de cette façon. Ce que la crise a fait naître, ou du moins ce dont elle a singulièrement développé l’usage, ce sont les chèques au porteur qui circulent de mains en mains. Rigoureusement, ils devaient acquitter l’impôt de 10 pour 100 qui frappe les billets des banques d’Etat, dont cette taxe a