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quelque sorte normale qui, en temps de crise, atteint, sur tous les marchés financiers, la plupart des titres et, en particulier, les actions de sociétés industrielles et minières. Imprudence poussée à un degré inconnu de l’ancien monde, immoralité dans quelques cas retentissans, sont deux causes qui ont aggravé dans une mesure extraordinaire la situation en Amérique.

Un quatrième facteur, et non le moindre, a été la politique. Le président Roosevelt a déclaré la guerre à la ploutocratie de son pays. Ce n’est pas ici le lieu d’étudier cette figure si intéressante, qui rappelle sous certains rapports les grands hommes des derniers temps de la République romaine, les Marius, les Sylla, peut-être les Pompée et les César : comme eux, Théodore Roosevelt s’adresse directement à la masse et prend le peuple à témoin de ses pensées et de ses actes. Un volume ne suffirait pas à raconter l’histoire de celui qui essaie de gouverner le pays le plus riche du monde en faisant la guerre à la richesse accumulée. Nous ne voulons même pas rechercher dans quelle mesure l’attitude qu’il a prise est justifiée par les agissemens coupables que nous venons de signaler. Il nous serait aisé de démontrer que ceux-ci ne constituent après tout que des exceptions et qu’aux États-Unis, la majorité des banques et des entreprises commerciales et industrielles est bien et honnêtement gérée. Peut-être nous répondrait-on que, de certains côtés, le mal était si profond que le seul moyen de le guérir était de l’attaquer avec une violence extrême ; que d’ailleurs M. Roosevelt a eu soin de déclarer à maintes reprises qu’il ne combattait que la fortune mal acquise et qu’il promettait justice au riche comme au pauvre. Nous ne nous occupons ici que de rechercher l’effet produit par sa politique. Elle a évidemment indisposé ceux que l’on appelle les magnats ; mais elle a eu des contre-coups bien plus étendus que ne le prévoyait le président. Aussi a-t-il dû reconnaître le terrible danger auquel il exposait son pays en ébranlant les fondemens mêmes du crédit.

Comment s’attaquer impunément à ces chemins de fer qui ont fait les États-Unis en les dotant d’un réseau incomparable et leur ont permis en moins d’un demi-siècle de mettre en valeur les richesses agricoles et minières du territoire peut-être le plus favorisé du monde au double point de vue du sol et du sous-sol ? Comment menacer dans leur existence ces vastes organismes industriels qui font vivre des millions d’ouvriers ? Comment