que valait le travail de leurs pères. Et j’ai trouvé à Leksand un pauvre paysan qui, de ses propres deniers, a organisé un musée communal, où, devant les vieilleries que sa patience a l’assemblées, sa tête fine et crevassée s’émerveillait comme la vieille femme de Nyberg à l’apparition de sa jeunesse.
Ces reliques sont logées dans deux maisonnettes délicieusement appropriées : une ancienne école et une petite ferme caduque. Touchans souvenirs que ce pilleur d’épaves avait harpes sur le flot du temps et ramenés au rivage, on y voyait des livres de psaumes, des assiettes de bois, des lambeaux de tapisseries, des licous en corne d’élan, des cuves à faire de l’eau-de-vie, un piège où s’étaient pris des ours, et, merveille des merveilles, un berceau qui avait bercé, durant deux cents ans, les vagissemens d’une seule et même famille. Etions les murs étaient tapissés de peintures dalécarliennes.
Ce ne sont point des antiquités puisqu’elles ne datent que de 1838. À cette époque, un artiste campagnard, du nom d’Erik Jansson, eut l’idée d’illustrer les plus fameuses scènes de la Bible, et, aussi peu soucieux de couleur locale qu’un Primitif ou qu’un Véronèse, il rendit avec de solides couleurs les images que l’Ancien et le Nouveau Testament ont formées sur la rétine de l’âme dalécarlienne. Le Dalécarlien, en rude campagnard, a exproprié la Bible. Sur la terre sainte de la Judée, il a bâti ses fermes, planté ses arbres, semé ses moissons, enfoncé sa herse : et il l’a baignée du flot de ses torrens et du sommeil de ses lacs. Son Dieu, bailli suédois, siège au ting de la justice, entouré de ses douze jurés. Les patriarches portent pelisse en peau de mouton et culottes de cuir, à moins que leurs exploits ne leur vaillent un costume militaire ou de haute fantaisie. Samson, pour déchirer le lion en deux, s’est coiffe d’un chapeau gibus et a endossé un frac bleu à boutons brillans. Quand le personnage est de conséquence, un prophète par exemple, l’artiste lui agrafe aux épaules le manteau de son pasteur et lui noue autour du cou le petit rabat ecclésiastique. Toutes les femmes, y compris la Reine de Saba, sont vêtues comme des Dalécarliennes et belles comme des Dalécarliennes. La mère de l’Enfant Prodigue, qui assiste au départ de son fils, remplit l’embrasure de sa porte. Les nuages du ciel ont l’aspect confortable : ils soutiennent leur homme, et la terre plantureuse le nourrit bien.
Il faut cependant de l’extraordinaire dans cet Eden potager, et