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pomme fait des signes, et où elle marche le printemps s’éveille.

La pomme est consommée. « Eve se tient honteuse dans un soleil de cire rouge, manipulant sa solide jupe en feuilles de figuier. » (Je reconnais la bonne Dalécarlienne à la solidité de sa jupe et sa gêne de paysanne à la façon dont elle la manipule. Adam en caleçon vert grimace comme un homme dont l’estomac et la conscience sont également tiraillés. Le serpent du haut de l’arbre jubile et agite la queue dans les fleurs de pommier. Un ange en pantalon couleur de feu brandit une énorme hache. Désormais, le fléau battra les épis de l’aire ; la massue de Caïn sera taillée et frappera… Le printemps qui s’éveille aux signes d’Eve, la massue de Caïn dont la forme se dessine déjà sous le feuillage, ce sont là des traits sobres, charmans et énergiques, par où le poète, sans effort, se révèle. Dans ce genre, je ne sais rien qui soit supérieur à l’Ascension d’Elie.

« Voici le saint Elie qui monte vers le pays du ciel dans une carriole brillante et neuve. Il porte son chapeau d’enterrement et sa pelisse de fourrure. Il tient le fouet à la main, et sur ses genoux repose son parapluie vert…

« Oui, son Roi lui-même lui a envoyé ses chevaux et sa voiture, et lui a mandé : « Mon bon vieux Dalécarlien, j’ai appris ta grande sagesse. Elle pourrait m’être utile : tenons conseil pour mon royaume ensemble. »

« Et voici la voiture qui monte et roule, et la large main d’Elie fait des signes d’adieu à la contrée de sa vie terrestre. Et nous y voyons un morceau de notre pays dalécarlien sous l’abri des montagnes aux pins rêveurs.

« Voyez la splendeur des grandes eaux ; voyez la rive rouge et jaune comme un jardin, des mères et des jeunes filles. Et des petits garçons montrent les roues volantes. « Regarde le père voisin ; c’est lui qui s’en va vite et sans prendre garde ! »

« Voyez le clocher de Leksand comme un gros oignon. Et l’airain de Falun sonne la fête pour le voyage du Bienheureux. Et il s’en va de cette sonnerie éclatante vers le psaume des orgues éternelles.

« Quand tu seras attablé, Elie, à la table de ton maître, jette les yeux sur notre misère et méchanceté : laisse tomber dans l’oreille du juge de douces paroles de pardon ; demande du pain pour les Dalécarliens qui ont faim.

« Voyez maintenant le soleil qui se couche derrière Solloroën,